Lézard

(Aristide Bruant)
 
On prend des manières a quinze ans,
pis on grandit sans qu'on les perde.
Ainsi, moi, j'aime bien roupiller,
j'peux pas travailler, ça m'emmerde.
 
J'en foutrai jamais une secousse,
même pas dans la rousse,
ni dans rien.
Pendant que l'soir, euh , j'fais ma frappe,
ma soeur fait d'la r'tappe,
et c'est bien.
Elle a p'us d'daron, p'us d'daronne,
elle a plus personne,
elle a que moi.
Au lieu de soutenir ses père et mère,
elle soutient son frère,
eh ben quoi ?
Son julot, c'est mon camarade,
i veut bien que j'fade avec eux.
Aussi, euh, j'l'aime mon beauf Ernes,
il est à la r'dresse,
pour nous deux.
J'm'occupe jamais du ménage,
j'suis libre et j'nage
au dehors,
et j'vais sous les sapins,
aux Buttes,
là, j'allonge mes flûtes,
et j'm'endors.
 
On prend des manières a quinze ans,
pis on grandit sans qu'on les perde.
Ainsi, moi, j'aime bien roupiller,
j'peux pas travailler, ça m'emmerde.

C'est un mauvais garçon

(J. Boyer / G. Van Paris)
 
Nous les paumés,
nous ne sommes pas aimés,
des grands bourgeois
qui nagent dans la joie.
Il faut avoir, pour être à leur goût,
un grand faux col et un chapeau mou.
Ca ne fait pas chic une casquette,
ça donne un genre malhonnête.
Et c'est pourquoi, quand un bourgeois nous voit,
il dit en nous montrant du doigt :
 
" c'est un mauvais garçon
il a des façons
pas très catholiques !
On a peur de lui
quand on le rencontre la nuit !
C'est un méchant p'tit gars
qui fait du dégât
sitôt qu'i s'explique !
Ca joue du poing, d'la tête et du chausson
un mauvais garçon ! "
 
Toutes les belles dames,
pleines de perles et de diam's,
en nous croisant,
ont des airs méprisants.
Oui mais demain, peut-être ce soir,
dans nos musettes, elles viendront nous voir.
Elles gincheront comme des filles,
en s'enroulant dans nos quilles,
et nous lirons dans leurs yeux chavirés
l'aveu qu'elles n'osent murmurer !
 
" c'est un mauvais garçon
il a des façons
pas très catholiques !
On a peur de lui
quand on le rencontre la nuit !
C'est un méchant p'tit gars
qui fait du dégât
sitôt qu'i s'explique !
Mais y'a pas mieux pour donner d'grands frissons,
qu'un mauvais garçon ! "
 
" c'est un mauvais garçon
il a des façons
pas très catholiques !
On a peur de lui
quand on le rencontre la nuit !
C'est un méchant p'tit gars
qui fait du dégât
sitôt qu'i s'explique !
Mais y'a pas mieux pour donner d'grands frissons,
qu'un mauvais garçon ! "

Du Gris


(E. Dumont / F.L. Benech)
 
Hep ! Monsieur, une cigarette !
Une cibiche, ça n'engage à rien,
si j'te plaît, on f'ra la causette,
t'es gentil, t'a l'air d'un bon chien.
 
Tu s'rais moche, ça s'rait la même chose,
j'te dirais quand même que t'es beau,
pour avoir, t'en d'vines bien la cause,
c'que j'te d'mande, une pipe, un mégot.
 
Ah, non ! Pas l'anglaise, ni l'bout doré,
ces tabacs-là c'est du chiqué.
 
Du gris, que l'on prend dans ses doigts
et qu'on roule
c'est fort, c'est âcre, comme du bois,
ça vous soûle.
C'est bon et ça vous laisse un goût
presque louche
de sang, d'amour et de dégoût,
dans la bouche.
 
Tu fumes pas, ben t'en a d'la chance,
c'est qu'la vie, pour toi, c'est du v'lours,
le tabac, c'est l'beau d'la souffrance,
quand on fume, l'fardeau est moins lourd.
 
Y'a l'alcool, m'parle pas d'cette bavarde,
qui vous met la tête à l'envers,
la rouquine qu'était une pocharde,
à vendu son homme à des blaires.
 
C'est ma morphine, c'est ma coco,
quoi ? C'est mon vice à moi l'perlo.
 
Du gris, que l'on prend dans ses doigts
et qu'on roule
c'est fort, c'est âcre, comme du bois,
ça vous soûle.
C'est bon et ça vous laisse un goût
presque louche
de sang, d'amour et de dégoût,
dans la bouche.
 
Monsieur l'docteur, c'est grave ma blessure ?
Oui j'comprend, y a plus d'espoir,
le coupable, j'en sais rien j'vous l'jure,
c'est la rue, l'métier, le trottoir.
 
Le coupable, au fait, j'vais vous l'dire,
c'est les femmes avec leur amour,
c'est le coeur qui se laisse séduire,
la misère qui dure nuit et jour.
 
Ah, et puis j'm'en fous, t'nez, donnez moi,
avant d'mourir, une dernière fois,
 
Du gris, que dans mes pauvres doigts
je roule
c'est bon, c'est fort, ça monte en moi,
ça me soûle.
Je sens que mon âme s'en ira,
moins farouche
dans la fumée qui sortira
da ma bouche.

Tel qu'il est

(M. Vandair-Charlys / Alexander) 
 
J'avais rêvé d'avoir un homme,
un vrai de vrai, bien balancé,
mais je suis chipée pour la pomme,
d'un avorton, complet'ment j'té.
Ce n'est pas un apollon mon Jules,
il n'est pas taillé comme un Hercule.
Malgré qu'il ait bien des défauts,
C'est lui que j'ai dans la peau.
 
Tel qu'il est, il me plaît,
Il me fait de l'effet,
Et je l'aime.
C'est un vrai gringalet,
aussi laid qu'un basset,
mais je l'aime.
Il est bancal,
du côté cérébral
mais ça m'est bien égal,
qu'il ai l'air anormal.

C'est complet, il est muet
ses quinquets sont en biais
C'est un fait que tel qu'il est, 
il me plaît.

" INSTRUMENTAL - "Partez pas ...." "

Il est carré mais ses épaules
par du carton, sont rembourrées.
Quand il est tout nu ça fait drôle,
On n'en voit plus que la moitié.
Il n'a pas un seul poil sur la tête,
mais il en a plein sur les gambettes.
Et celui qu'il a dans la main,
c'est pas du poil c'est du crin.

Tel qu'il est, il me plaît,
Il me fait de l'effet,
Et je l'aime.
C'est un vrai gringalet,
aussi laid qu'un basset,
mais je l'aime.
Il est bancal,
du coté cérébral
mais ça m'est bien t égal,
qu'il ai l'air anormal.

C'est complet, il est muet
ses quinquets sont en biais
C'est un fait que tel qu'il est, 
il me plaît.

Le travail pour lui c'est la chose
la plus sacrée, il y touche pas.
Pour tenir le coup il se dose,
de quintonine, à tous les r'pas.
Ce qui n'est pas marrant c'est qu'il ronfle,
on dirait un pneu qui se dégonfle.
Et quand il faut se bagarrer,
il est encore dégonflé.

Tel qu'il est, il me plaît,
Il me fait de l'effet,
Et je l'aime.
C'est un vrai gringalet,
aussi laid qu'un basset,
mais je l'aime.
Il est bancal,
du coté cérébral
mais ça m'est bien z égal,
qu'il ai l'air anormal.

C'est complet, il est muet
ses quinquets sont en biais
C'est un fait que tel qu'il est, 
il me plaît.

C'est un mâle


(Charlys)
 
Y'a des tas d'gonzesses qui font les bégueules
aussitôt qu'un homme veut les approcher.
Il leur faut des compartiments dames seules,
elles ont trop peur d'avaler la fumée.
 
Mais moi qui n'suis pas aussi chicandière,
j'ai mon vrai de vrai, un homme affranchi.
Avec lui, pas b'soin de faire des manières,
on s'a dans la peau et ça nous suffit.
 
C'est pas une demi-portion,
une galette, un avorton,
lui c'est un mâle.
J'aime son nez tout écrasé,
sa mâchoire en or plombé,
dans son teint pâle.
Il peut me filer des coups,
Il peut me piquer mes sous,
sans que je râle.
Il a des gros biscoteaux,
et c'est lui qu'j'ai dans la peau,
c'est le mâle qu'il me faut.
 
Il m'arrive parfois quelques aventures,
j'ai connu des hommes dans tous les milieux.
Je suis un peu curieuse de nature,
mais c'est encore lui, lui que j'aime le mieux.
 
Il n'est pas rasé, tout son poil m'arrache,
et quand il m'embrasse, il sent le tabac.
Oui mais i'm'fait des tas d'machines qu'attachent,
et je suis pâmée quand j'suis dans ses bras.
 
C'est pas une demi-portion,
une galette, un avorton,
lui c'est un mâle.
J'aime son nez tout écrasé,
sa mâchoire en or plombé,
dans son teint pâle.
Il peut me filer des coups,
Il peut me piquer mes sous,
sans que je râle.
Il a des gros biscoteaux,
et c'est lui l'roi des costauds,
c'est le mâle qu'il me faut.
 
Quand mon homme embale une poule du grand monde,
si l'a du pétard avec le bourgeois.
Pour tirer son couteau de sa profonde,
c'est lui qu'est l'premier, lui qui a la loi.
 
Il a l'estomac avec un tatouage,
sous c'tatouage un point d'interrogation,
ca lui permettra, car il est volage,
de faire lui aussi un peu d'aviation.
 
C'est pas une demi-portion,
une galette, un avorton,
lui c'est un mâle.
J'aime son nez tout écrasé,
sa cicatrice étalée,
dans son teint pâle.
Il peut me filer des coups,
Il peut me piquer mes sous,
sans que je râle.
Il a des gros biscoteaux,
mais c'est lui l'roi des barbots,
c'est le mâle qu'il me faut.
 
C'est le mâle qu'il me faut.

Le p'tit bal du samedi soir

(Drejac-Delettre / Borel-Clerc)
 
Dans le vieux faubourg,
tout chargé d'amour
près du pont de La Villette,
un soir je flanais,
un refrain trainait,
un air de valse-musette.
Comme un vieux copain,
me prenant la main,
Il m'a dit : " viens ! "
Pourquoi le cacher ?
Ma foi j'ai marché
et j'ai trouvé ...
 
Le p'tit bal du sam'di soir
où le coeur plein d'espoir,
dansent les midinettes.
Pas de frais pour la toilette,
pour ça vous avez l'bonsoir.
Mais du bonheur plein les yeux
de tous les amoureux
ça m'a touché c'est bête,
je suis entré dans la fête
l'air digne et le coeur joyeux.
 
D'ailleurs il ne manquait rien,
y'avait tout c'qui convient
des moules et du vin rouge.
Au troisième flacon ça bouge,
Au quatrième on est bien ...
 
Alors il vaut mieux s'asseoir,
le patron vient vous voir
et vous dis " c'est la mienne "
et c'est comme ça toutes les semaines.
Au p'tit bal du sam'di soir.
 
Vous l'avez d'viné,
j'y suis retourné,
maint'nant je connais tout l'monde.
Victor et Titi,
Fernand le tout p'tit
Nenesse et Mimi la blonde.
D'ailleurs des beaux yeux,
y'en a tant qu'on veut,
Y vont par deux.
Et v'la qu'dans les coins,
on est aussi bien
qu'au " Tabarin ".
 
Au p'tit bal du sam'di soir
où le coeur plein d'espoir,
dansent les midinettes.
Pas de frais pour la toilette,
pour ça vous avez l'bonsoir.
Mais du bonheur des aveux
car tous les amoureux
se montent un peu la tête.
Quand l'accordéon s'arrête,
ils vont s'asseoir deux par deux.
 
De temps en temps un garçon,
pousse une petite chanson,
ça fait rêver les filles.
Dans l'noir y a des yeux qui brillent
on croirait des p'tit lampions.
 
Oui des lampions merveilleux
du carnaval joyeux
de la fête éternelle.
On serre un peu plus sa belle,
Au p'tit bal du sam'di soir.
 
Un dimanche matin,
avec Baptistin,
c'est le patron d'la guinguette.
On s'est attablé,
et nous avons joué
au ch'min d'fer en tête a tête.
Comme il perdait trop,
il a joué l'bistrot,
j'ai dit " banco " !
J'ai gagné, ma foi
et depuis trois mois,
il est à moi ...
 
Le p'tit bal du sam'di soir
où le coeur plein d'espoir,
dansent les midinettes.
Pas de frais pour la toilette,
pour ça vous avez l'bonsoir.
Mais du bonheur plein les yeux
de tous les amoureux
ça m'a touché c'est bête,
je suis entré dans la fête
l'air digne et le coeur joyeux.
 
Baptistin dans l'occasion,
n'avait plus d'situation
en perdant sa boutique.
Mais comme il m'est sympathique,
alors j'l'ai pris comme garçon.
 
Et c'est lui qui sert à boire
aux amoureux dans l'noir
dans la baraque en planches.
Du sam'di jusqu'au dimanche,
Au p'tit bal du sam'di soir

Un chat qui miaule

(G. Zwingel / F. Faecq-M. Camia-Pesenti)
 
Monsieur le juge,
que l'on me juge,
sans trop d'sévérité
car sur mon âme,
c'qui fit le drame,
c'est la fatalité.

J'suis un vaurien,
oui je le sais bien,
mais tout d'même, jamais,
je n'aurais fait
c'qui m'mène ici,
sans ce chat maudit.

Un chat qui miaule,
j'vous jure ça fait drôle,
quand on cambriole sans bruit,
son cri s'élance, 
telle une démence,
troublant le silence des nuits.

Un chat qui miaule,
c'est presque un symbole,
de la mort qui frôle la peau
comme un étau 
qui vous tordrait le coeur,
on a peur.

Après l'étude
des habitudes
du richard de Neuilly,
par la fenêtre,
v'la que j'pénètre,
jusque devant son lit.

Dans le halo
de mon blanc falot
j'aperçois le magot.
Sous l'traversin,
j'avance la main,
quand sur le chemin...

Ce chat qui miaule,
j'vous jure ça fait drôle,
quand on cambriole sans bruit,
son cri s'élance, 
telle une démence,
dans le grand silence des nuits.

Un chat qui miaule,
c'est comme symbole,
de la mort qui frôle la peau
comme un étau 
qui vous tordrait le coeur,
j'ai eu peur.

Le vieux se dresse,
d'un bond d'détresse,
comme dans un cauchemar.
Sa gorge ronfle,
ses veines se gonflent,
il me fixe, hagard.

Son regard fouille,
mes idées qui grouillent
dans ma cervelle en feu,
quand tout à coup,
fermant les yeux,
j'ai serré son cou.

On cabriole,
notre lutte est folle,
et ce chat qui miaule plus fort,
son cri s'élance, 
telle une démence,
troublant le silence de mort.

Un chat qui miaule,
c'est comme symbole,
de la mort qui frôle la peau.
Quand c'chat s'est tu
j'étais d'venu
soudain
assassin.

Monsieur le juge,
que l'on me juge,
sans trop d'sévérité
car sur mon âme,
c'qui fit le drame,
c'est la fatalité.

Rue Saint-Vincent

(Aristide Bruant)
 
Elle avait sous sa toque de martre,
sur la butte Montmartre,
un p'tit air innocent.
On l'appelait Rose, elle était belle,
a' sentait bon la fleur nouvelle,
rue Saint-Vincent.

Elle avait pas connu son père,
elle avait p'us d'mère,
et depuis 1900,
a' d'meurait chez sa vieille aïeule
Où qu'a' s'élevait comme ça, toute seule,
rue Saint-Vincent.

A' travaillait déjà pour vivre
et les soirs de givre,
dans l'froid noir et glaçant,
son p'tit fichu sur les épaules,
a' rentrait par la rue des Saules,
rue Saint-Vincent.

Elle voyait dans les nuit gelées,
la nappe étoilée,
et la lune en croissant
qui brillait, blanche et fatidique
sur la p'tite croix d'la basilique,
rue Saint-Vincent.

L'été, par les chauds crépuscules,
a rencontré Jules,
qu'était si caressant,
qu'a' restée la soirée entière,
avec lui près du vieux cimetière,
rue Saint-Vincent.

Mais le p'tit Jules était d'la tierce
qui soutient la gerce,
aussi l'adolescent,
voyant qu'elle marchait pas au pantre,
d'un coup d'surin lui troua l'ventre,
rue Saint-Vincent.

Quand ils l'ont couchée sur la planche,
elle était toute blanche,
même qu'en l'ensevelissant,
les croque-morts disaient qu'la pauv' gosse
était crevée l'soir de sa noce,
rue Saint-Vincent.

Elle avait une belle toque de martre,
sur la butte Montmartre,
un p'tit air innocent.
On l'appelait Rose, elle était belle,
a' sentait bon la fleur nouvelle,
rue Saint-Vincent.

La java


(A. Villemets-J. Charles / M. Yvain)
 
Quand arrive le samedi,
sans foutre de vernis,
ni faire de toilette,
nous partons au galop,
avec nos costauds,
dans un bal musette,
où nous nous retrouvons
rien qu'entre mectons
et vraies gigolettes
deux par deux on tourne, on tourne, et on
fredonne au son de l'accordéon
 
Qu'est-ce qui dégote
le fox-trotte
et même le chimi
les pas english,
la scottish
et tout c'qui s'en suit.
C'est la java,
la vielle masurcha
du vieux sébasto
T'es ma nenesse,
tu es ma gonzesse
je suis ton julot.
 
Tout contre moi
serre toi,
bien fort dans mes bras
je te suivrai
je ferai ce que tu voudras.
Quand je te prends
dans mon coeur je sens
comme un vertigo,
t'aimes ma casquette,
mes deux rouflaquettes
et mon bout d'mégot.
 
Mais, boul'vard Saint Germain,
les gens du gratin,
ils ont pas de principes.
dès que les purotins
ont quelqu'chose de bien
y faut qu'ils leur chippent.
A présent les mondains,
essaient, mais en vain
de copier nos types
et les poules de luxe dans les salons
chantent en se pavant à leurs michtrons.
 
Qu'est-ce qui dégote
le fox-trotte
et même le chimi
les pas english,
la scottish
et tout c'qui s'en suit.
C'est la java,
la vielle masurcha
du vieux sébasto
T'es ma nenesse,
tu es ma gonzesse
je suis ton julot.
 
Tout contre moi
serre toi,
bien fort dans mes bras
je te suivrai
je ferai ce que tu voudras.
Quand je te prends
dans mon coeur je sens
comme un vertigo,
t'aimes ma casquette,
mes deux rouflaquettes
et mon bout d'mégot.
 
Quand je te prends
dans mon coeur je sens
comme un vertigo,
t'aimes ma casquette,
mes deux rouflaquettes
et mon bout d'mégot.

La jeune fille du métro


(Domaine Public)
 
C'était une jeune fille simple et bonne
Qui demandait rien à personne
Un soir dans l'métro, y'avait presse
Un jeune homme osa, je l'confesse
Lui passer la main ... Sur les ch'veux
Comme elle était gentille, elle s'approcha un peu.
 
Mais comme a craignait pour ses robes
A ses attaques elle se dérobe
Sentant quelqu'chose qui la chatouille
Derrière son dos elle tripatouille
Et tombe sur une belle paire ... De gants
Que l'jeune homme, à la main, tenait négligemment.
 
En voyant l'émoi d'la d'moiselle
Il s'approcha un p'tit peu d'elle
Et comme en chaque homme, tout de suite
S'éveille le démon qui l'habite
Le jeune lui sorti ... Sa carte
Et lui dit j'm'appelle Jules, et j'habite rue Descartes.
 
L'métro continue son voyage
Elle se dit c'jeune homme n'est pas sage
Je sens quelque chose de pointu
Qui d'un air ferme et convaincu
Cherche à pénétrer ... Dans mon coeur
Ah qu'il est doux d'aimer, quel frisson de bonheur.
 
Ainsi à Paris, quand on s'aime
On peut se le dire sans problème
Peu importe le véhicule
N'ayons pas peur du ridicule
Dites lui simplement ... Je t'en prie
Viens donc à la maison manger des spaghettis

La Butte Rouge


(Montehus / G. Krier)
 
Sur c'te butte là, y'avait pas d'gigolette,
Pas de marlous, ni de beaux muscalins.
Ah, c'était loin du moulin d'la galette,
Et de Paname, qu'est le roi des pat'lins.
 
C'qu'elle en a bu, du beau sang, cette terre,
Sang d'ouvrier et sang de paysan,
Car les bandits, qui sont cause des guerres,
N'en meurent jamais, on n'tue qu'les innocents.
 
La Butte Rouge, c'est son nom , l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin
Qui boira d'ce vin là, boira l'sang des copains
 
Sur c'te butte là, on n'y f'sait pas la noce,
Comme à Montmartre, où l'champagne coule à flôts.
Mais les pauv' gars qu'avaient laissé des gosses,
I f'saient entendre de pénibles sanglots.
 
C'qu'elle en a bu, des larmes, cette terre,
Larmes d'ouvrier et larmes de paysan,
Car les bandits, qui sont cause des guerres,
Ne pleurent jamais, car ce sont des tyrans.
 
La Butte Rouge, c'est son nom , l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin
Qui boit de ce vin là, boit les larmes des copains
 
Sur c'te butte là, on y r'fait des vendanges,
On y entend des cris et des chansons.
Filles et gars, doucement, y échangent,
Des mots d'amour, qui donnent le frisson.
 
Peuvent-ils songer dans leurs folles étreintes,
Qu'à cet endroit où s'échangent leurs baisers,
J'ai entendu, la nuit, monter des plaintes,
Et j'y ai vu des gars au crâne brisé.
 
La Butte Rouge, c'est son nom , l'baptême s'fit un matin
Où tous ceux qui grimpèrent, roulèrent dans le ravin
Aujourd'hui y'a des vignes, il y pousse du raisin
Mais moi j'y vois des croix, portant l'nom des copains.

La plus bath des javas


(Georgius / Tremolo)

Je vais vous raconter
Une histoire arrivée
A Nana et Julot Gueul'd'Acier.
Pour vous raconter ça,
Il fallait un' java.
J'en ai fait une chouette. Écoutez-là
Mais je vous préviens surtout :
J'suis pas poèt' du tout.
Mes couplets n'riment pas bien
Mais j'm'en fous !

Quand Julot et Nana,
Sur un air de java,
S'connur'nt au bal musett'
Sur un air de javette.
Ell'lui dit : « J'ai l'béguin. »
Sur un air de javin.
Il répondit : « Tant mieux ! »
Sur un air déjà vieux.
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Ecoutez ça c'est chouette !
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
C'est la plus bath' des javas.

Ils partir'nt tous les deux
Comme des amoureux
A l'hôtel meublé du Coup nerveux.
Le lendemain, Julot
Lui dit : « J't'ai dans la peau. »
Et lui botta le bas du dos.
Ell'lui dit : « J'ai compris.
Tu veux d'l'argent chéri ?
J'en aurai à la sueur du nombril»

Alors ell's'en alla

Sur un air de java
Boul'vard de la Chapelle
Sur un air de javelle.
Ell's'vendit pour de l'or
Sur un air que j'adore
A trois francs la séance
Sur un air de jouvence.

Julot, pendant ce temps,
Ayant besoin d'argent,
Mijotait un vol extravagant.
Il chipa... lui : Julot
Une ram'de métro
Qu'il dissimula sous son pal'tot.
Le coup était bien fait
Mais just' quand il sortait,
Une roue étala de son gilet.

Alors on l'arrêta
Sur un air de java
Mais rouge de colère,
Sur un air de javère,
Dans le ventre du flic,
Sur un air de javic,
Il planta son eustache,
Sur un air de jeun'vache.

Nana, ne sachant rien,
Continuait son turbin.
Six mois se sont passés... Un matin,
Ell'rentre à la maison
Mais elle a des frissons.
Ell' s'arrête devant la prison.

L'échafaud se dresse là

L'bourreau qui n's'en fait pas,

Fait l'couperet à la pate oméga

Julot vient à p'tits pas
Sur un air de java.
C'est lui qu'on guillotine
Sur un air de javine.
Sa têt'roule dans l'panier
Sur un air de javier
Et Nana s'évanouille
Sur un air de javouille.
Écoutez ça si c'est chouette !
C'est la plus bath' des javas
C'est la plus bath' des javas...