(Renaud Séchan/Jean-Pierre Bucolo)
Enervé par la colère
Un beau soir, après la guerre
J' ai balancé ma télé par la f'nêtre
Comme j' suis un garçon primaire
Je m' suis dit : " un militaire
Avec un peu d'bol
S' la mange en pleine tête "
Libérés, enfin, mes yeux
On r'gardé l' scaphandrier d' l'aquarium
Qui cherche un trésor planqué
Sous les cailloux bariolés
Pauvr' bonhomme
Enervé par France Intox
Les FM, et les juke-box
J'ai balancé ma radio par la f'nêtre
En priant pour qu'elle tombe pas
Sur la tronche du môme, en bas
Petit joueur d'accordéon à casquette
Libérées, mes deux oreilles
Ont écouté l' poisson rouge d' l'aquarium
Qu' était content d'être tout seul
Qui f'sait juste un peu la gueule
Ou tout comme
Enervé par un Bon Dieu
Que j' trouvais bien trop dangereux
J'ai balancé ma vieille Bible par la f'nêtre
Comme j' suis un garçon normal
Je m' suis dit : " un cardinal
Avec un peu d' bol
S' la mange en pleine tête "
Libéré, enfin, mon âme
Est allée s' nicher au fond d' l'aquarium
Dans une eau limpide et claire
Loin des centrales nucléaires
Loin des hommes
Enervé par ces gauchos
Dev'nus des patrons bien gros
J'ai balancé mon journal par la f'nêtre
Comme j' suis un garçon réglo
J'ai visé le caniveau
Sur d'y r'trouver l' rédacteur en chef
Libérée, enfin, ma tête
A rejoint l' scaphandrier d' l'aquarium
Qui cherche un trésor planqué
Sous les cailloux bariolés
Pauvre bonhomme
J' suis un peu l' scaphandrier
D' l'aquarium, sur la ch'minée
J' suis un peu l' poisson rouge
Et c'est chouette
Je cherche un trésor planqué
L'amour et la liberté
Sous les cailloux bariolés
D' la planète
Libérée, enfin, ma terre
Des curés, des journaleux, des militaires
De tous les preneurs de tête
Qui provoquent, sous ma f'nêtre
Ma colère
(Renaud Séchan/Jean Louis
Rocques)
Enchristé depuis six mois, je t'écris
Mon poteau
De derrière les murs, de derrière la vie
Dis, est-c' qu'y fait beau ?
Est-c' que dehors y'a des oiseaux ?
Ceux qu'je vois ici sont tatoués sur ma peau
J'avais déjà purgé ma peine
Avant même d'être ici, toute ma vie
Z'ont pas compris ça, les teignes
Qui m'ont puni
Que la vie fut une chienne
Avec moi comme avec ceux
Qui ont dans les yeux
Trop d'amour ou trop de haine
Ou trop des deux
Enchristé parc' qu'un beau jour, sans remords
J'ai taxé
Un putain d'vélo même pas en or
Et puis, deux trois conneries, des trucs de pauvres
Des trucs pas beaux
Un autoradio, une montre ou un stylo
J'avais déjà purgé ma peine
Avant même d'être ici, toute ma vie
On m'a jamais dis "Je t'aime"
Et ben tant pis
Si la vie fut une chienne
Avec moi comme avec ceux
Qui ont dans le yeux
De la braise, la cendre
Le feu
Tu ris, tu pleures, tu vis
Pi tu meurs
Trois p'tits tours et pi s'en vont les p'tits voleurs
Barreau, garrot, une corde
A bientôt
En enfer, au paradis ou au bistrot
Salue Manu, Pierrot
Et Angelo
Dis leurs bien que l'amitié ça tient chaud
Tu ris, tu pleures, tu vis
Pi tu meurs
Trois p'tits tours et pi s'en vont les p'tits malheurs
Tu ris, tu pleures, tu vis
Pi tu meurs...
(Renaud Séchan /Jean Pierre Bucolo)
Les belles étrangères à étrangler
Fichus, soleillados, robes de chez Lacroix
Les pétasses au soleil des longs étés framboises
Posent leur cul bronzé qu'un con honorera
Sur la pierre fatiguée des arènes Nîmoises
Et puis pour une fiotte, en ballerines noires
Qui arrose bientôt le sable d'un sang bovin
Elles se pâment sur l'épaule de leur mac d'un soir
Et mouillent la soie fine de leur dessous coquins
Olé
Les belles étrangères à étrangler
Les yeux plantés profonds dans ceux du matador
Descendant quelquefois vers le membre latin
Serti comme une pierre dans le satin et l'or
Elles rougissent un peu et pensent : " Quel engin "
Puis elles vont pieds nus dans leur fragile blouse
Par les ruelles chaudes quand la ville s'embrase
S'imaginent gitanes, provençales, andalouses
Toutes sont parisiennes, pire encore Niçoises
Olé
Les belles étrangères à étrangler
Les pétassent finissent dans quelque bodega
Ecoutant Gibsy-King, dansant et riant fort
Avant d'aller vomir toute leur sangria
Enfin dans le rétro poussiéreux
D'un camion des poubelles, à l'aurore
Elles se remaquillent un peu
(Renaud Séchan)
Boules de gommes et p'tits mystères
Je m' demande si y'a d' quoi faire
Une chanson
Du parfum d'Amsterdamer
Qui sortait d' la pipe en terre
Du tonton
De mes bobos sur les coudes
Du bruit d' la machine à coudre
Dans l' salon
Et du gros chagrin surtout
De ma p'tite frangine qui boude
Pour de bon
Mais la nostalgie tu sais
Autour de quarante balais
Quand ça t ‘chope
Ca t' donne envie d' te r'tourner
Sur toutes ces journées ratées
Sans tes potes
Ca donne envie d' retrouver
Et tes billes et tes cahiers
Et ta gomme
Et d' pardonner à ta mère
D'avoir jamais bien su faire
La tarte au pommes
Les dimanches à la con
De quand j'avais disons
Dix ans
Me reviennent souvent
Pas toujours mais mettons
Tout l' temps
Avec les frangins on s' luttait
On s' balançait des coups d' pieds
Sous la table
Pour avoir l' blanc du poulet
Que la mère nous découpait
Équitable
Pis on f'sait dans nos assiettes
Avec la purée toute bête
Au milieu
Des p'tits volcans super chouettes
Qui mettaient dans nos p'tites têtes
Du ciel bleu
Boules de gomme et p'tits mystères
Je m' demande si y'a d' quoi faire
Trois couplets
De ces journées sans lumière
Des gâteaux d'anniversaires
Partagés
De ces bouteilles de Clairette
Qu'on détestait en cachette
Et pi d' l'angoisse
De ces heures devant la f'nêtre
A r'garder une bicyclette
Juste en face
Les dimanches à la con
De quand j'avais disons
Dix ans
Me reviennent souvent
Pas toujours mais mettons
Tout l' temps
Les dimanches à la con
De mes automnes monotones
D'enfant
Faisaient d' moi un santon
Sur le tapis du salon
Y'a cent ans
Dans cet ennui accepté
Des après-midi passaient
En silence
Quand les lumières s'allumaient
C'est toute la nuit qui tombait
Sur l'enfance
Ca sentait déjà l'école
Le cartable le tube de colle
Du lendemain
On priait pour que coup d' bol
On s' réveille avec une rougeole
Au matin
Les dimanches à la con
De quand j'avais disons
Dix ans
Me reviennent souvent
Pas toujours mais mettons
Tout l' temps
Les dimanches à la con
De mes automnes monotones
D'enfant
Faisaient d' moi un santon
Sur le tapis du salon
Y'a cent ans
(Renaud Séchan)
Et dire que chaque fois que nous votions pour eux
Nous faisions taire en nous ce cri : " Ni dieu ni maître ! "
Dont ils rient aujourd'hui puisqu'ils se sont fait dieux
Et qu'une fois de plus nous nous sommes fait mettre
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents blaireaux sur leur moto
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
Le
rallye mécanique
Des Mad Max de bazar
A r'commencé son cirque
Au soleil de janvier
Vont traverser l'Afrique
Avec le pied dans l'phare
Dégueulasser les pistes
Et revenir bronzés
Ravis de cet obscène
Et pitoyable jeu
Belle aventure humaine
Selon les journaleux
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents couillons dans leur camion
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
Passe la caravane
Et les chiens n'aboient plus
Sous les roues des bécanes
Y'a du sang répandu
C'lui des quelques sauvages
Qui ont voulu traverser
Les rues de leur village
Quand vous êtes passés
Comme des petits Rommel
Tout de cuir et d'acier
Crachant vos décibels
Aux enfants décimés
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents guignols dans leur bagnole
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
Combien d'années encore
Ces crétins bariolés
F'ront leur terrain de sport
D'un continent entier
Combien d'années enfin
Ces bœufs sponsorisés
Prendront l'sol africain
Pour une cour de récré
Dans leurs joutes odieuses
Les bonbons bien au chaud
Au fond de leurs délicieuses
Combinaisons fluo
Cinq cents connards sur la ligne de départ
Cinq cents blaireaux sur leur moto
Ca fait un max de blairs
Aux portes du désert
Un paquet d'enfoirés
Au vent du Ténéré
(Renaud Séchan /Jean Louis Roques)
Bonhomme qui va austère
Au milieu des landes, des bruyères
Silhouette insolite
Bloc de granit
Tonton foule la terre
Lentement
Comme le temps
Le temps qui, pourtant, emporte
Les idées, les hommes et les amours mortes
Le temps qui lui reste
Dans la même veste
Avant de n'être plus
Qu'une statue
Un nom de rue
Il a son beau chapeau
Il a son long manteau
Il a son chien, le brave
Le gros qui bave
Il a le regard des sages
Il est la force tranquille, sereine
Il est comme un grand chêne
Il sait la futilité
De toute chose
La douceur et
La fragilité des roses
Bonhomme qui va austère
Au milieu des landes, des bruyères
Silhouette insolite
Bloc de granit
Tonton foule la terre
En sifflotant
Comme le vent
Le vent qui, pourtant, emporte
Son joli chapeau que le chien rapporte
Il est plein de bave
Ce n'est pas bien grave
Un chapeau ça se lave
Mais ça fait sale
Et tonton râle
Tonton est colère
Tout va de travers
L'Histoire, la gloire, tout foire
Parc'que ce soir
Le vieille homme a, c'est dur
Un caillou dans sa chaussure
Un vieux rhume qui dure
Et puis cette nuit, misère
Il a rêvé
Qu'un beau jour
La gauche revenait
Tonton s'en va
A petits pas ...
(Renaud Séchan/Renaud Detressan-Thomas Noton)
Marche près de moi
Va l'as t'éloigner
Attention, Lola
Les rues sont piégées
Tâche, ma colombe
De pas mettre un pied
Sur les lignes sombres
Entre les pavés
Sinon c'est l'enfer
Archi assuré
Sinon c'est galère
Pour l'éternité
C'est pas des histoires
C'est l'as du pipeau
Fais gaffe à l'abîme
Près du caniveau
Y'a que les enfants
Qui savent éviter
Ces sacrées rayures
Qui nous font tomber
Tu sais que les grands
Ceux qu'on s'ra jamais
Suivent leurs chaussures
San rien regarder
Nous piétineraient même
Tranquilles, pour un peu
Tout ça parce qu'on s'aime
Qu'on vit pas comme eux
C'est pas des histoires
C'est p'as du pipeau
Fais gaffe aux adultes
A leurs godillots
N'ouvre pas la porte
Y'a sûr'ment un loup
Faudrait pas qu'y sorte
Du fond de son trou
Pourrait bien, la bête
Nous bouffer tout cru
En voyant nos têtes
A nous qui avons cru
Si souvent le soir
L 'entendre hurler Au bout du couloir
Ou Sous l'escalier
C'est pas des histoires
C'est pas du pipeau
Fais gaffe à ses griffes
Evite ses crocs
Y'a que les enfant.
Qui savent aimer
Les loups noirs ou blancs
Qui nous font trembler
Tu sais que les grands
Ceux qu'on s'ra jamais
Méprisent souvent
Les chiens sans collier
Leur préférant même
Les agneaux, pour peu
Qu'ils plient sous les chaînes
Et bêlent comme eux
C'est pas des histoires
C'est pas du pipeau
Fais gaffe à jamais
Suivre les troupeaux
(Renaud Séchan)
Mon disque était terminé
Y m' restait trois quatre chansons
Qu' j' voulais pas mettre au panier
Qu'étaient vraiment trop canon
'lors je m' suis dit : " Rebelote "
Une fois d' plus j' vais essayer
De les r' fourguer à des potes
Des fois qu'eux y s'raient plantés
'lors j'ai filé en banlieue
Voir un groupe de rap d'enfer
C'était c' qui s' faisait de mieux
Ca plaisait même à ma mère
Pi au niveau des paroles
Ca plaisait même à mon chien !
J' dis au chanteur : Hé Brother !
J'ai une chanson en béton !
Ell' s'appelle " On est tous frères
Sauf Hamid qu'est un sale con ! "
C'est un mec y s' sent exclu
D' cette société inhumaine
'lors un jour il en peut plus
Et il crie toute sa haine
En graffitant sur les murs
Son prénom un peu partout
Mais comme y' s'appelle Maurice
Ca fait pas joli du tout !
Qu'est ce t'en penses de ma chanson ?
Tu la veux pas, ah bon ?
C'est pas grave j' vais aller voir
Un chanteur de rock, un noir !
'lors j'ai filé au Québec
Pour rencontrer Roch Voisine
J' l'ai trouvé tell'ment beau mec
Que j'ai pris trois aspirines
Ma maman avait raison
J'aurais dû me faire bûcheron !
J'ui ai dit 'vec un grand sourire :
Ecoute un peu ça, calice !
Ma chanson elle est pas pire
Elle s'appelle " je l'aime en crisse "
C'est l'histoire un peu niaiseuse
D'un maudit bum de Montréal
Y rencontre une shampouineuse
Un soir sur le Mont Royal
Quand elle voit sa Camaro
Elle tombe vraiment en amour
Quand y voit ses gosses, le salaud
Il l'abandonne dans la neige !
Qu'est ce t'en penses de ma chanson ?
Tu la veux pas, ah bon ?
C'est pas grave j' vais aller voir
Un chanteur de blues, un noir !
'lors j'ai filé un rencard
A Goldman dans un milk-bar
Je
l'ai r'trouvé dans l'frigo
En train d' convaincre en esquimau
Qu'y faut aimer son bâton
Qu' la vie n'est qu'un long glaçon
Ma chanson est bonne, bonne
Elle chante la différence
Entre la poire et la pomme
Entre le bol et la chance
Car tout ce qui nous divise
Nous rapproche et nous éloigne
De tout ce que les gens disent
Et de tout ce que j'empoigne
Sur les miettes du balcon
Où je vois trimer la bonne
Quand sont passés les pigeons
Qui souillent mes géraniums
Qu'est ce t'en penses de ma chanson ?
Tu la veux pas, ah bon ?
C'est pas grave j' vais aller voir
Un chanteur de jazz, un noir !
Manque de bol y m' restait plus
Qu'une chanson vraiment craignos
Je tombe sur un trou du cul
Qui rev'nait de Roland-Garros
Une espèce de tête pleine d'eau
Robinet derrière la nuque !
J'ui ai dit : Excuse-moi mecton
Tu voudrais pas faire chanteur ?
T'es largement assez con
Et t'es beau comme un docteur
J'ai une chanson qui s'appelle
" Ell' f'sait du vélo sans selle "
On l'enregistre dès ce soir
Et demain t'es un rock star
On a fait effectiv'ment
Numéro Un tout l'été
Et c'était tell'ment navrant
Que Libé a adoré !
Alors pour les remercier
Je m'suis abonné
Pas con
J'ai toujours besoin de papier
Pour emballer mes poissons
Tant qu'il y aura des ombres
Des truites et des vandoises
Croule la terre, craque le monde
Nous irons dans les eaux turquoise
Les rivières profondes…
Du
matin clair au soir qui tombe
Quand le ciel soudain s'embrase
Nous sommes et resterons bon nombre
A guetter la bêle sournoise
Et ses reflets d'argent dans l'ombre
Tant qu'il y aura des ombres
Nous, les deux pieds dans la vase
Oublierons pour quelques secondes
Qu'il ne changera jamais de base
Cet abominable monde
Avant la grande hécatombe
Avant qu'on ne nous écrase
Sous une averse de bombes
Qui noiera ce monde nase
Nous les chevaliers de l'onde
Garderons le coeur turquoise
Tant qu'il y aura des ombres
Des truites et des vandoises…