Je suis un voyou

(Texte de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

 
Ci-gît au fond de mon cœur une histoire ancienne,
Un fantôme, un souvenir d'une que j'aimais...
Le temps, à grands coups de faux, peut faire des siennes,
Mon bel amour dure encore, et c'est à jamais...
 
J'ai perdu la tramontane
En trouvant Margot,
Princesse vêtue de laine,
Déesse en sabots...
Si les fleurs, le long des routes,
S'mettaient à marcher,
C'est à la Margot, sans doute,
Qu'elles feraient songer...
J'lui ai dit : " De la Madone,
Tu es le portrait ! "
Le Bon Dieu me le pardonne,
C'était un peu vrai...
Qu'il me le pardonne ou non,
D'ailleurs, je m'en fous,
J'ai déjà mon âme en peine :
Je suis un voyou.
 
La mignonne allait aux vêpres
Se mettre à genoux,
Alors j'ai mordu ses lèvres
Pour savoir leur goût...
Elle m'a dit, d'un ton sévère :
" Qu'est-ce que tu fais là ? "
Mais elle m'a laissé faire,
Les filles c'est comme ça...
J'lui ai dit : " Par la madone,
Reste auprès de moi ! "
Le Bon Dieu me le pardonne
Mais chacun pour soi...
Qu'il me le pardonne ou non,
D'ailleurs, je m'en fous,
J'ai déjà mon âme en peine :
Je suis un voyou.
 
C'était une fille sage,
A " bouch', que veux tu ? "
J'ai croqué dans son corsage
Les fruits défendus...
Elle m'a dit d'un ton sévère :
" Qu'est-ce que tu fais là ? "
Mais elle m'a laissé faire,
Les fill's c'est comme ça...
Puis j'ai déchiré sa robe,
Sans l'avoir voulu...
Le Bon Dieu me le pardonne
Je n'y tenais plus...
Qu'il me le pardonne ou non,
D'ailleurs, je m'en fous,
J'ai déjà mon âme en peine :
Je suis un voyou.
 
J'ai perdu la tramontane
En perdant Margot,
Qui épousa, contre son âme,
Un triste bigot...
Elle doit avoir à l'heure,
A l'heure qu'il est,
Deux ou trois marmots qui pleurent
Pour avoir leur lait...
Et, moi, j'ai tété leur mère
Longtemps avant eux...
Le Bon Dieu me le pardonne
J'étais amoureux !
Qu'il me le pardonne ou non,
D'ailleurs, je m'en fous,
J'ai déjà mon âme en peine :
Je suis un voyou.

La marine

(Texte de Paul Fort , interprété par Renaud Séchan)

On les r’trouve en raccourci,
Dans nos p’tits amours d’un jour
Toutes les joies, tous les soucis
Des amours qui durent toujours !
C’est là l’sort de la marine
Et de toutes nos p’tites chéries
On accoste. Vite ! Un bec
Pour nos baisers, l’corps avec.

Et les joies et les bouderies,
Les fâcheries, les bons retours,
On les r’trouve en raccourci,
Dans nos p’tits amours d’un jour.
On a ri, on s’est baisés
Sur les noeunoeils, les nénés,
Dans les ch’veux, à plein bécots,
Pondus comme des œufs tout chauds

Tout c’qu’on fait dans un seul jour !
Et comme on allonge le temps !
Plus d’trois fois, en un seul jour,
Content, pas content, content.
Y’a dans la chambre une odeur
D’amour tendre et de goudron
Ca vous met la joie au cœur,
La peine aussi et c’est bon.

On n’est pas là pour causer…
Mais on pense, même dans l’amour.
On pense que d’main, il fera jour
Et qu’c’est une calamité.
C’est là l’sort de la marine,
Et de toutes nos p’tites chéries.
On accoste. Mais on devine
Qu’ça n’sera pas le paradis

On aura beau s’dépêcher
Faire, bon Dieu ! la pige au temps
Et l’bourrer de tous nos péchés,
Ca n’s’ra pas ça. Et pourtant
Toutes les joies, tous les soucis
Des amours qui durent toujours
On les r’trouve en raccourci
Dans nos p’tites amours d’un jour…

Le gorille

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

C’est à travers de larges grilles,
Que les femelles du canton
Contemplaient un puissant gorille,
Sans souci du qu’en-dira-t-on ;
Avec impudeur, ces commères
Lorgnaient même un endroit précis
Que rigoureusement ma mère
M’a défendu d’nommer ici.
Gare au gorille !

Tout à coup, la prison bien close,
Où vivait le bel animal,
S’ouvre on n’sait pourquoi (je suppose
Qu’on avait dû la fermer mal) ;
Le singe, en sortant de sa cage,
Dit : " C’est aujourd’hui que j’le perds ! "
Il parlait de son pucelage,
Vous aviez deviné, j’espère !
Gare au gorille !

L’patron de la ménagerie
Criait éperdu : " Nom de nom !
C’est assommant car le gorille
N’a jamais connu de guenon ! "
Dès que la féminine engeance
Sut que le singe était puceau
Au lieu de profiter d’la chance
Elle fit feu des deux fuseaux !
Gare au gorille

Celles-là même qui naguère
Le couvaient d’un œil décidé
Fuirent, prouvant qu’elles n’avaient guère
De la suite dans les idées ;
D’autant plus vaine était leur crainte
Que le gorille est un luron
Supérieur à l’homme dans l’étreinte,
Bien des femmes vous le diront !
Gare au gorille !

Tout le monde se précipite
Hors d’atteinte du singe en rut,
Sauf une vieille décrépite
Et un jeune juge en bois brut.
Voyant que toutes se dérobent,
Le quadrumane accéléra
Son dandinement vers les robes
De la vieille et du magistrat !
Gare au gorille !

" Bah ! soupirait la centenaire,
Qu’on pût encore me désirer
Ce serait extraordinaire,
Et, pour tout dire, inespéré ! "
Le juge pensait, impassible
" Qu’on me prenne pour une guenon,
C’est complètement impossible… "
La suite lui prouva que non !
Gare au gorille !

Supposez qu’un de vous puisse être
Comme le singe, obligé de
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu’une alternative pareille,
Un de ces quatre jours m’échoie
C’est, j’en suis convaincu, la vieille
Qui fera l’objet de mon choix !
Gare au gorille !

Mais par malheur, si le gorille
Aux jeux de l’amour vaut son prix,
On sait qu’en revanche il ne brille
Ni par le goût ni par l’esprit.
Lors, au lieu d’opter pour la vieille
Comme aurait fait n’importe qui,
Il saisit le juge à l’oreille
Et l’entraîna dans un maquis !
Gare au gorille

La suite serait délectable,
Malheureusement je ne peux
Pas la dire et c’est regrettable,
Ca nous aurait fait rire un peu ;
Car le juge, au moment suprême,
Criait : " Maman ! ", pleurait beaucoup,
Comme l’homme auquel le jour même
Il avait fait trancher le cou.
Gare au gorille !

La chasse aux papillons

(paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Un bon petit diable à la fleur de l’âge
La jambe légère et l’œil polisson,
Et la bouche pleine de joyeux ramages
Allait à la chasse aux papillons.

Comme il atteignait l’orée du village
Filant sa quenouille, il vit Cendrillon ,
Il lui dit : " Bonjour, que Dieu te ménage,
J’t’emmène à la chasse aux papillons "

Cendrillon, ravie de quitter sa cage,
Met sa robe neuve et ses bottillons ;
Et bras d’ssus bras d’ssous vers les frais bocages
Ils vont à la chasse aux papillons.

Ils ne savaient pas que sous les ombrages,
Se cachait l’amour et son aiguillon,
Et qu’il transperçait les cœurs de leur âge,
Les cœurs des chasseurs de papillons.

Quand il se fit tendre, elle lui dit " J’présage
Qu’c’est pas dans les plis de mon cotillon,
Ni dans l’échancrure de mon corsage
Qu’on va-t-à la chasse aux papillons "

Sur sa bouche en feu qui criait : " Sois sage ! "
Il posa sa bouche en guise de bâillon,
Et c’fut le plus charmant des remue-ménage
Qu’on ait vu d’mémoire de papillon.

Un volcan dans l’âme, i’ r’vinrent au village,
En se promettant d’aller des millions,
Des milliards de fois, et même davantage,
Ensemble à la chasse aux papillons.

Mais tant qu’ils s’aimeront, tant que les nuages
Porteurs de chagrins, les épargneront,
I f’ra bon voler dans les frais bocages,
I’ f’ront pas la chasse aux papillons
Pas la chasse aux papillons…

Comme hier

(paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Hé ! Donne-moi ta bouche, eh ! ma jolie fraise !
L’aube a mis des fraises plein notre horizon.
Garde tes dindons, moi mes porcs, Thérèse.
Ne r’pousse pas du pied mes p’tits cochons

Va, comme hier ! comme hier ! comme hier !
Si tu ne m’aimes point, c’est moi qui t’aimerons
L’un tient le couteau, l’autre la cuiller :
La vie c’est toujours les mêmes chansons.

Pour sauter l’gros sourceau de pierre en pierre
Comme tous les jours mes bras t’enlèveront
Nos dindes, nos truies nous suivront légères
Ne r’pousse pas du pied mes p’tits cochons

Va, comme hier ! comme hier ! comme hier !
Si tu ne m’aimes pas, c’est moi qui t’aimerons
La vie c’est toujours amour et misère
La vie c’est toujours les mêmes chansons

J’ai tant de respect pour ton cœur, Thérèse
Et pour tes dindons, quand nous nous aimons
Quand nous nous fâchons, hé ! ma jolie fraise
Ne r’pousse pas du pied mes p’tits cochons

Va, comme hier ! comme hier ! comme hier !
Si tu ne m’aimes point c’est moi qui t’aimerons
L’un tient le couteau, l’autre la cuiller
La vie c’est toujours la même chanson

Les amoureux des bancs publics

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Les gens qui voient de travers
Pensent que les bancs verts
Qu’on voit sur les trottoirs
Sont faits pour les impotents ou les ventripotents
Mais c’est une absurdité,
Car à la vérité,
Ils sont là, c’est notoire
Pour accueillir quelque temps les amours débutants

Refrain
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’foutant pas mal du regard oblique
Des passants honnêtes
Les amoureux qui s’bécotent sur les bancs publics
Bancs publics, bancs publics
En s’disant des " Je t’aime " pathétiques
Ont des p’tites gueules bien sympathiques

Ils se tiennent par la main,
Parlent du lendemain
Du papier bleu d’azur
Que revêtiront les murs de leur chambre à coucher…
Ils se voient déjà doucement,
Elle cousant, lui fumant
Dans un bien-être sûr
Et choisissent les prénoms de leur premier bébé…

Quand la sainte famille Machin
Croise sur son chemin
Deux de ces malappris,
Elle leur décoche hardiment des propos venimeux
N’empêche que toute la famille
(Le père, la mère, la fille, le fils le Saint-Esprit)
Voudrait bien de temps en temps
Pouvoir s’conduire comme eux

Quand les mois auront passé
Quand seront apaisés
Leurs beaux rêves flambants
Quand leur ciel se couvrira de gros nuages lourds
Ils s’apercevront, émus,
Qu’c’est au hasard des rues
Sur un d’ces fameux bancs
Qu’ils ont vécu le meilleur morceau de leur amour…

Brave Margot

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Margoton, la jeune bergère,
Trouvant dans l’herbe un petit chat
Qui venait de perdre sa mère
L’adopta…
Elle entrouvre sa collerette
Et le couche contre son sein
C’était tout ce qu’elle avait, pauvrette
Comme coussin…
Le chat, la prenant pour sa mère,
Se mit à téter tout de go
Emue Margot le laissa faire
Brave Margot !
Un croquant, passant à la ronde,
Trouvant le tableau peu commun,
S’en alla le dire à tout le monde,
Et le lendemain…

Refrain
Quand Margot dégrafait son corsage
Pour donner la gougoutte à son chat
Tous les gars, tous les gars du village
Etaient là, la la la la la
Etaient là, la la la la
Et Margot qu’était simple et très sage,
Présumais qu’c’était pour voir son chat
Qu’tous les gars, qu’tous les gars du village
Etaient là, la la la la la
Etaient là, la la la la

L’maître d’école et ses potaches
Le maire, le bedeau, le bougnat
Négligeaient carrément leur tâche
Pour voir ça…
Le facteur, d’ordinaire si preste
Pour voir ça ne distribuait plus
Les lettres que personne au reste
N’aurait lues…
Pour voir ça (Dieu le leur pardonne !)
Les enfant de chœur, au milieu
Du saint sacrifice abandonnent
Le saint lieu…
Les gendarmes, même les gendarmes,
Qui sont par nature si ballots
Se laissaient toucher par le charme
Du joli tableau
(Refrain)
Mais les autres femmes de la commune,
Privées d’leurs époux, d’leurs galants
Accumulèrent la rancune
Patiemment…
Puis un jour, ivres de colère,
Elles s’armèrent de bâtons
Et, farouches, elles immolèrent
Le chaton…
La bergère, après bien des larmes
Pour s’consoler prit un mari
Et ne dévoila plus ses charmes
Que pour lui
Le temps passa sur les mémoires
On oublia l’événement
Seuls des vieux racontent encore
A leurs p’tis enfants…
(Refrain)

Hécatombe

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Au marché de Brive-la-Gaillarde,
A propos de bottes d’oignons,
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon.
A pied, à cheval, en voiture
Les gendarmes mal inspirés,
Vinrent pour tenter l’aventure
D’interrompre l’échauffourée

Or, sous tous les cieux sans vergogne,
C’est un usage bien établi,
Dès qu’il s’agit de rosser les cognes
Tout l’monde se réconcilie
Ces furies, perdant toute mesure,
Se ruèrent sur les guignols,
Et donnèrent, je vous l’assure,
Un spectacle assez croquignole.

En voyant ces braves pandores
Etre à deux doigts de succomber,
Moi j’bichais car je les adore
Sous la forme de macchabées
De la mansarde où je réside,
J’excitais les farouches bras
Des mégères gendarmicides
En criant : " Hip, hip, hip, hourra ! "

Frénétique, l’une d’elle attache
Le vieux maréchal des logis
Et lui fait crier : " Mort aux vaches !
Mort aux lois ! Vive l’anarchie ! "
Une autre fourre avec rudesse
Le crâne d’un de ces lourdauds
Entre ses gigantesques fesses
Qu’elle serre comme un étau.

La plus grasse de ces femelles,
Ouvrant son corsage dilaté
Matraque à grands coups de mamelles
Ceux qui passent à sa portée
Ils tombent, tombent, tombent, tombent
Et selon les avis compétents
Il paraît que cette hécatombe
Fut la plus belle de tous les temps

Jugeant enfin que leurs victimes
Avaient eu leur content de gnons
Ces furies, comme outrage ultime,
En retournant à leurs oignons,
Ces furies, à peine si j’ose
Le dire tellement c’est bas
Leur auraient même coupé les choses
Par bonheur ils n’en avaient pas !
Leur auraient même coupé les choses
Par bonheur ils n’en avaient pas !

La mauvaise herbe

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Quand l’jour de gloire est arrivé
Comme tous les autres étaient crevés
Moi seul connu le déshonneur
De n’pas être mort au champ d’honneur

Je suis d’la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens
C’est pas moi qu’on rumine
Et c’est pas moi qu’on met en gerbe…
La mort faucha les autres,
Braves gens, braves gens
Et me fit grâce à moi
C’est immoral et c’est comme ça !
La la la la la la la
La la la la la la la
Et je m’demande
Pourquoi, Bon Dieu,
Ca vous dérange que j’vive un peu
Et je m’demande
pourquoi, Bon Dieu,
Ca vous dérange que j’vive un peu…

La fille à tout l’monde a bon cœur,
Elle me donne, au petit bonheur
Les p’tits bouts d’sa peau, bien cachés,
Que les autres n’ont pas touchés.

Je suis d’la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens
C’est pas moi qu’on rumine
Et c’est pas moi qu’on met en gerbe…
Elle se vend aux autres,
Braves gens, braves gens
Elle se donne à moi
C’est immoral et c’est comme ça !
La la la la la la la
La la la la la la la
Et je m’demande
Pourquoi, Bon Dieu,
Ca vous dérange qu’on m’aime un peu
Et je m’demande
pourquoi, Bon Dieu,
Ca vous dérange qu’on m’aime un peu

Les hommes sont faits, nous dit-on
Pour vivre en bande, comme les moutons,
Moi j’vis seul, et c’est pas demain
Que je suivrai leur droit chemin

Je suis d’la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens
C’est pas moi qu’on rumine
Et c’est pas moi qu’on met en gerbe…
Je suis d’la mauvaise herbe,
Braves gens, braves gens
Je pousse en liberté
Dans les jardins mal fréquentés !
La la la la la la la
La la la la la la la
Et je m’demande
Pourquoi, Bon Dieu,
Ca vous dérange que j’vive un peu
Et je m’demande
pourquoi, Bon Dieu,
Ca vous dérange que j’vive un peu…

Le mauvais sujet repenti

(Texte de Paul Fort , interprété par Renaud Séchan)

Elle avait la taill' faite au tour,
Les hanches pleines,
Et chassait l'mâle aux alentours
De la Mad'leine ...
A sa façon d'me dir' : " Mon rat,
Est-c'que j'te tente ? "
Je vis que j'avais affaire à
Un' débutante ...
 
L'avait l'don, c'est vrai, j'en conviens,
L'avait l'génie,
Mais, sans technique, un don n'est rien
Qu'un' sal' manie ...
Certes on ne se fait pas putain
Comme on s'fait nonne,
C'est du moins c'qu'on prêche, en latin,
A la Sorbonne ...
 
Me sentant rempli de pitié
Pour la donzelle,
J'lui enseignai, de son métier,
Les p'tit's ficelles ...
J'lui enseignai l'moyen d'bientôt
Faire fortune,
En bougeant l'endroit où le dos
R'ssemble à la lune ...
 
Car, dans l'art de fair' le trottoir,
Je le confesse,
Le difficile est d'bien savoir
Jouer des fesses ...
On n'tortill' pas son popotin
D'la même manière,
Pour un droguiste, un sacristain,
Un fonctionnaire ...
 
Rapidement instruite par
Mes bons offices,
Elle m'investit d'une part
D'ses bénéfices
On s'aida mutuellement,
Comm' dit l'poète.
Ell' était l'corps, naturell'ment,
Puis moi la tête ...
 
Un soir, à la suite de
Manœuvres douteuses,

Elle' tomba victim' d'une
Maladie honteuse ...
Lors, en tout bien, toute amitié,
En fille probe,
Elle me passa la moitié
De ses microbes ...
 
Après des injections aiguës
D'antiseptique,
J'abandonnai l'métier d'cocu
Systématique ...
Elle eut beau pousser des sanglots,
Braire à tu'-tête,
Comme je n'étais qu'un salaud,
J'me fis honnête ...
 
Sitôt privée de ma tutelle,
Ma pauvre amie
Courut essuyer du bordel
Les infamies ...
Paraît qu'elle s'vend même à des flics,
Quelle décadence !
Y'a plus d'moralité publique
Dans notre France ...

La légende de la nonne

(Paroles de Victor Hugo, interprété par Renaud Séchan)

Venez, vous dont l’œil étincelle,
Pour entendre une histoire encore,
Approchez, je vous dirai celle
De doña Padilla del Flor.
Elle était d’Alanje où s’entassent
Les collines et les halliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Il est des filles à Grenade,
Il en est à Séville aussi
Qui pour la moindre sérénade
A l’amour demandent merci ;
Il en est que parfois embrassent,
Le soir de hardis cavaliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Ce n’est pas sur ce ton frivole
Qu’il faut parler de Padilla,
Car jamais prunelle espagnole
D’un feu plus chaste ne brilla ;
Elle fuyait ceux qui pourchassent
Les filles sous les peupliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Elle prit le voile à Tolède
Au grand soupir des gens du lieu
Comme si, quand on n’est pas laide,
On avait droit d’épouser Dieu
Peu s’en fallut que ne pleurassent
Les soudards et les écoliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Or, la belle à peine cloîtrée,
Amour en son cœur s’installa.
Un fier brigand de la contrée
Vint alors et dit : Me voilà !
Quelquefois les brigands surpassent
En audace les chevaliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Il était laid : les traits austères
La main plus rude que le gant ;
Mais l’amour a bien des mystères
Et la nonne aima le brigand
On voit des biches qui remplacent
Leurs beaux cerfs par des sangliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

La nonne osa, dit la chronique,
Au brigand par l’enfer conduit,
Aux pieds de sainte Véronique
Donner un rendez-vous la nuit,
A l’heure où les corbeaux croassent
Volant dans l’ombre par milliers
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Or quand dans la nef descendue,
La nonne appela le bandit,
Au lieu de la voix attendue,
C’est la foudre qui répondit.
Dieu voulut que ses coups frappassent
Les amants par Satan liés
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Cette histoire de la novice
Saint Ildefonse, abbé, voulut
Qu’afin de préserver du vice
Les vierges qui font leur salut
Les prieurs la racontassent
Dans tous les couvents réguliers.
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Auprès de mon arbre

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

J’ai plaqué mon chêne
Comme un saligaud,
Mon copain le chêne, mon alter ego,
On était du même bois
Un peu rustique, un peu brut,
Dont on fait n’importe quoi
Sauf naturellement les flûtes…
J’ai maintenant des frênes,
Des arbres de Judée,
Tous de bonne graine,
De haute futaie…
Mais toi tu manques à l’appel,
Ma vieille branche de campagne
Mon seul arbre de Noël,
Mon mât de cocagne !

Refrain
Auprès de mon arbre,
Je vivais heureux,
J’aurais jamais dû m’éloigner de mon arbre…
Auprès de mon arbre
Je vivais heureux
J’aurais jamais dû le quitter des yeux…

Je suis un pauvre type,
J’aurai plus de joie :
J’ai jeté ma pipe,
Ma vieille pipe en bois,
Qui avait fumé sans se fâcher
Sans jamais m’brûler la lippe,
L’tabac d’la vache enragée
Dans sa bonne vieille tête de pipe…
J’ai des pipes d’écume
Ornées de fleurons
De ces pipes qu’on fume
En levant le front
Mais j’retrouverai plus, ma foi
Dans mon cœur ni sur ma lippe,
Le goût d’ma vieille pipe en bois
Sacré non d’une pipe !
(Refrain)

Le surnom d’infâme
Me va comme un gant :
D’avec ma femme
J’ai foutu le camp,
Parce que depuis tant d’années
C’était pas une sinécure
De lui voir tout le temps le nez
Au milieu de la figure…
Je bats la campagne
Pour mériter la
Nouvelle compagne
Valant celle-là,
Qui, bien sûr, laissait beaucoup
Trop de pierres dans les lentilles,
Mais se pendait à mon cou
Quand j’perdais mes billes !
(Refrain)

J’avais une mansarde
Pour tout logement
Avec des lézardes
Sur le firmament
Je l’savais par cœur depuis
Et, pour un baiser la course,
J’emmenais mes belles de nuit
Faire un tour sur la grande Ourse…
J’habite plus d’mansarde
Il peut désormais
Tomber des hallebardes
Je m’en bats l’œil mais,
Mais si quelqu’un monte aux cieux
Moins que moi, j’y paie des prunes
Y’a cent sept ans, qui dit mieux,
Qu’j’ai pas vu la lune !
(Refrain)

Gastibelza (l’homme à la carabine)

(Paroles de Victor Hugo, interprété par Renaud Séchan)

Gaztibelza, l’homme à la carabine
Chantait ainsi :
Quelqu’un a-t-il connu doña Sabine
Quelqu’un d’ici ?
Chantez, dansez, villageois ! La nuit gagne
Le Mont Falu…
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Quelqu’un a-t-il connu Sabine
Ma señora ?
Sa mère était la vieille maugrabine
D’Antequera
Qui chaque nuit criait dans la tour Magne
Comme un hibou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Vraiment, la reine eût près d’elle été laide
Quand vers le soir
Elle passait sur le pont de Tolède
En corset noir
Un chapelet du temps de Charlemagne
Ornait son cou
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Le roi disait, en la voyant si belle
A son neveu :
Pour un baiser pour un sourire d’elle
Pour un cheveu
Infant don Ruy, je donnerais l’Espagne
Et le Pérou !
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Je ne sais pas si j’aimais cette dame
Mais je sais bien
Que pour avoir un regard de son âme,
Moi pauvre chien
J’aurais gaiement passé dix ans au bagne
Sous les verrous
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Quand je voyais cette enfant, moi le pâtre
De ce canton
Je croyais voir la belle Cléopâtre,
Qui, nous dit-on
Menait César, empereur d’Allemagne
Par le licou…
Le vent qui vient à travers la montagne
Me rendra fou.

Dansez, chantez, villageois, la nuit tombe
Sabine un jour
A tout vendu, sa beauté de colombe
Tout son amour
Pour l’anneau d’or du comte de Saldagne
Pour un bijou…
Le vent qui vient à travers la montagne
M’a rendu fou

Les croquants

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Les croquants vont en ville, à cheval sur leurs sous
Acheter des pucelles aux saintes bonnes gens
Les croquants leur mettent à prix d’argent
La main dessus, la main dessous…
Mais la chair de Lisa, la chair fraîche de Lison
(Que les culs cousus d’or se fassent une raison)
C’est pour la bouche du premier venu
Qui a les yeux tendres et les mains nues

Refrain
Les croquant, ça les attriste, ça
Les étonne, les étonne
Qu’une fille, une fille belle comme ça
S’abandonne, s’abandonne
Au premier ostrogoth venu
Les croquants ça tombe des nues.

Les filles de bonnes mœurs, les filles de bonne vie
Qui ont vendu leur fleurette à la foire à l’encan
Vont se vautrer dans la couche des croquants
Quand les croquants en ont envie…
Mais la chair de Lisa, la chair fraîche de Lison
(Que les culs cousus d’or se fassent une raison)
N’a jamais accordé ses faveurs
A contre sou, à contrecœur…
(Refrain)

Les filles de bonne vie ont le cœur consistant
Et la fleur qu’on y trouve est garantie longtemps,
Comme les fleurs en papier des chapeaux,
Les fleurs en pierre des tombeaux
Mais le cœur de Lisa, le grand cœur de Lison
Aime faire peau neuve avec chaque saison :
Jamais deux fois la même couleur,
Jamais deux fois la même fleur
(Refrain)

Philistins

Paroles de Jean Richepin, interprété par Renaud Séchan

Philistins, épiciers
Tandis que vous caressiez
Vos femmes
En songeant aux petits
Que vos grossiers appétits
Engendrent,

Vous pensiez : " ils seront
Mentons rasé, ventre rond,
Notaires "

Mais pour bien vous punir
Un jour vous voyez venir
Sur terre

Des enfants non voulus
Qui deviennent chevelus
Poètes

Vous pensiez : " ils seront
Mentons rasé, ventre rond,
Notaires "

Mais pour bien vous punir
Un jour vous voyez venir
Sur terre

Des enfants non voulus
Qui deviennent chevelus
Poètes

Le vieux Léon

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Y’a tout à l’heure
Quinze ans d’malheur
Mon vieux Léon
Que tu es parti
Au paradis
D’l’accordéon
Parti bon train
Voir si l’bastrin-
Gue et la java
Avait gardé
Droit de cité
Chez Jéhovah
Quinze ans bientôt
Qu’musique au dos
Tu t’en allais
Mener le bal
A l’amicale
Des feux follets
En cet asile
Par sainte Cécile
Pardonne-nous
De n’avoir pas
Su faire cas
De ton biniou

C’est une erreur
Mais les joueurs
D’accordéon
Au grand jamais
On ne les met
Au Panthéon
Mon vieux tu as dû
T’contenter du
Champ de navets,
Sans grandes pompes
Et sans pompons
Et sans ave
Mais les copains
Suivaient l’sapin
Le cœur serré
En rigolant
Pour faire semblant
De n’pas pleurer
Et dans nos cœurs
Pauvre joueur
D’accordéon
Il fait ma foi
Beaucoup moins froid
Qu’au Panthéon.

Depuis mon vieux
Qu’au fond des cieux
Tu as fait ton trou
Il a coulé
De l’eau sous les
Ponts de chez nous.
Les bons enfants
D’la rue de Vanves
A la Gaîté
L’un comme l’autre
Au gré des flots
Furent emportés
Mais aucun d’eux
N’a fait fi de
Son temps jadis
Tous sont restés
Du parti des
Myosotis
Tous ces pierrots
Ont le cœur gros
Mon vieux Léon
En entendant
Le moindre chant
D’accordéon

Quel temps fait-il
Chez les gentils
De l’au-delà
Les musiciens
Ont-ils enfin
Trouvé le la
Et le p’tit bleu
Est-ce que ça ne le
Rend pas meilleur
D’être servi
Au seins des vignes
Du Seigneur
Si d’temps en temps
Une dame d’antan
S’laisse embrasser
Sûrement papa
Que tu regrettes pas
D’être passé
Et si l’Bon Dieu
Aime tant soit peu
L’accordéon
Au firmament
Tu t’plais sûrement
Mon vieux Léon

Le Père Noël et la petite fille

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Avec sa hotte sur le dos
Avec sa hotte sur le dos
Il s’en venait d’Eldorado
Il s’en venait d’Eldorado
Il avait une belle barbe blanche
Il avait nom " Papa Gâteau "

Il a mis du pain sur ta planche
Il a mis les mains sur tes hanches

Il t’a promenée dans un landau
Il t’a promenée dans un landau
En route pour la vie d’château
En route pour la vie d’château
La belle vie dorée sur tranches,
Il te l’offrit sur un plateau

Il a mis du grain dans ta grange
Il a mis les mains sur tes hanches

Toi qui n’avais rien sur le dos
Toi qui n’avais rien sur le dos
Il t’a couverte de manteaux
Il t’a couverte de manteaux
Il t’a vêtue comme un dimanche
Tu n’auras pas froid de sitôt

Il a mis l’hermine à ta manche
Il a mis les mains sur tes hanches

Tous les camées, tous les émaux,
Tous les camées, tous les émaux,
Il les fit pendre à tes rameaux
Il les fit pendre à tes rameaux
Il fit rouler en avalanche
Perles et rubis dans tes sabots

Il a mis de l’or à ta branche
Il amis les mains sur tes hanches

Tire la belle, tire le rideau,
Tire la belle, tire le rideau,
Sur tes misères de tantôt,
Sur tes misères de tantôt,
Et qu’au-dehors il pleuve il vente
Le mauvais temps n’est plus ton lot

Le joli temps des coudées franches
On a mis les mains sur tes hanches

La femme d’Hector

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

En notre tour de Babel
Laquelle est la plus belle
La plus aimable parmi
Les femmes de nos amis ?
Laquelle est notre vraie nounou
La p’tite sœur des pauvres de nous,
Dans le guignon toujours présente
Quelle est cette fée bienfaisante ?

Refrain

C’est pas la femme de Bertrand
Pas la femme de Gontran,
Pas la femme de Pamphile
C’est pas la femme de Firmin
Pas la femme de Germain
Ni celle de Benjamin
C’est pas la femme d’Honoré
Ni celle de Désiré
Ni celle de Théophile
Encore moins la femme de Nestor
Non c’est la femme d’Hector

Comme nous dansons devant
Le buffet, bien souvent
On a toujours peu ou prou
Les bas criblés de trous
Qui raccommode ces malheurs
De fils de toutes les couleurs
Qui brode, divine cousette
Des arc-en-ciel à nos chaussettes ?

(Refrain)

Quand on nous prend la main, sacré
Bon Dieu, dans un sac,
Et qu’on nous envoie planter
Des choux à la Santé
Quelle est celle qui, prenant modèle,
Sur les vertus des chiens fidèles
Reste à l’arrêt devant la porte
En attendant qu’on en ressorte ?

(Refrain)

Et quand l’un d’entre nous meurt
Qu’on nous met en demeure
De débarrasser l’hôtel
De ses restes mortels,
Quelle est celle qui remue tout Paris
Pour qu’on lui fasse au plus bas prix
Des funérailles gigantesques
Pas nationales, non, mais presque ?

(Refrain)

Et quand vient le mois de mai
Le joli temps d’aimer
Que sans écho dans les cours
Nous hurlons à l’amour
Quelle est celle qui nous plaint beaucoup
Quelle est celle qui nous saute au cou
Qui nous dispense sa tendresse
Toutes ses économies de caresses ?

(Refrain)

Ne jetons pas les morceaux
De nos cœurs aux pourceaux
Perdons pas notre latin
Au profit des pantins
Chantons pas la langue des dieux
Pour les balourds, les fesse-mathieux
Les paltoquets ni les bobèches
Les foutriquets ni les pimbêches

Ni pour la femme de Bertrand
Pour la femme de Gontran,
Pour la femme de Pamphile
Ni pour la femme de Firmin
Pour la femme de Germain
Pour celle de Benjamin
Ni pour la femme d’Honoré
La femme de Désiré
La femme de Théophile
Encore moins pour la femme de Nestor
Mais pour la femme d’Hector

Le bistrot

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Dans un coin pourri
Du pauvre Paris
Sur une place,
L’est un vieux bistrot
Tenu par un gros
Dégueulasse.

Si t’as le bec fin
S’il te faut du vin
D’première classe,
Va boire à Passy
Le nectar d’ici
Te dépasse.

Mais si t’as l’gosier
Qu’une armure d’acier
Matelasse
Goûte à ce velours
Ce petit bleu lourd
De menaces

Tu trouveras là
La fine fleur de la
Populace,
Tous les marmiteux,
Les calamiteux
De la place.

Qui viennent en rang,
Comme des harengs
Voir en face
La belle du bistrot
La femme à ce gros
Dégueulasse.

Que je boive à fond
L’eau de toutes les fon-
Taines Wallace,
Si dés aujourd’hui,
Tu n’es pas séduit
Par la grâce.

De cette jolie fée
Qui, d’un bouge, a fait
Un palace
Avec ses appas
Du haut jusqu’en bas
Bien en place

Ces trésors exquis
Qui les embrasse qui
Les enlace ?
Vraiment c’en est trop
Tout ça pour ce gros
Dégueulasse !

C’est injuste et fou
Mais que voulez-vous
Qu’on y fasse ?
L’amour se fait vieux
Il a plus les yeux
Bien en face

Si tu fais ta cour
Tâche que tes discours
Ne l’agacent
Sois poli, mon gars
Pas de geste ou ga
Re à la casse

Car sa main qui claque
Punit d’un flic-flac
Les audaces
Certes il n’est pas né
Qui mettra le nez
Dans sa tasse

Pas né le chanceux
Qui dégèlera ce
Bloc de glace
Qui fera dans le dos
Les cornes à ce gros
Dégueulasse

Dans un coin pourri
Du pauvre Paris
Sur une place
Une espèce de fée
D’un vieux bouge a fait
Un palace.

L’orage

Texte de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Parlez-moi de la pluie, et non pas du beau temps
Le beau temps me dégoûte et m’fait grincer les dents
Le bel azur me met en rage
Car le plus bel amour qui m’fut donné sur terre
Je l’dois au mauvais temps, je l’dois à Jupiter
Il me tomba d’un ciel d’orage

Par un soir de novembre, à cheval sur les toits
Un vrai tonnerre de Brest, avec des cris de putois,
Allumait ses feux d’artifice
Bondissant de sa couche en costume de nuit
Ma voisine affolée, vint cogner à mon huis
En réclamant mes bons offices.

" Je suis seule et j’ai peur, ouvrez-moi par pitié
Mon époux vient de partir faire son dur métier
Pauvre malheureux mercenaire
Contraint d’coucher dehors quand il fait mauvais temps
Pour la bonne raison qu’il est représentant
D’une maison de paratonnerres "

En bénissant le nom de Benjamin Franklin
Je l’ai mise en lieu sûr entre mes bras câlins
Et puis l’amour a fait le reste
Toi qui sèmes des paratonnerres à foison
Que n’en as-tu planté sur ta propre maison ?
Erreur on ne peut plus funeste.

Quand Jupiter alla se faire entendre ailleurs
La belle ayant enfin conjuré sa frayeur
Et recouvré tout son courage
Rentra dans ses foyers, faire sécher son mari
En m’donnant rendez-vous les jours d’intempéries
Rendez-vous au prochain orage

A partir de ce jour, j’n’ai plus baissé les yeux
J’ai consacré mon temps à contempler les cieux,
A regarder passer les nues
A guetter les stratus, à lorgner les nimbus
A faire les yeux doux au moindre cumulus
Mais elle n’est pas revenue

Son bonhomme de mari avait tant fait d’affaires
Tant vendu ce soir-là de petits bouts de fer
Qu’il était devenu millionnaire
Et l’avait emmenée vers des cieux toujours bleus
Des pays imbéciles où jamais il ne pleut
Où l’on ne sait rien du tonnerre

Dieu fasse que ma complainte aille, tambour battant
Lui parler de la pluie, lui parler du gros temps
Auxquels on a tenu tête ensemble
Lui conter qu’un certain coup de foudre assassin
Dans le mille de mon cœur a laissé le dessin
D’une petite fleur qui lui ressemble.

Jeanne

(Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

Chez Jeanne, la Jeanne,
Son auberge est ouverte aux gens sans feu ni lieu,
On pourrait l’appeler l’auberge du Bon Dieu
S’il n’en existait déjà une,
La dernière où l’on peut entrer
Sans frapper, sans montrer patte blanche

Chez Jeanne, la Jeanne,
On est n’importe qui, on vient n’importe quand,
Et, comme par miracle, par enchantement,
On fait partie de la famille,
Dans son cœur, en s’poussant un peu,
Reste encore une petite place…

La Jeanne, la Jeanne
Elle est pauvre et sa table est toujours mal servie,
Mais le peu qu’on y trouve assouvit pour la vie
Par la façon qu’elle le donne,
Son pain ressemble à du gâteau
Et son eau à du vin comme deux gouttes d’eau…

La Jeanne, la Jeanne
On la paie quand on peut des prix mirobolants :
Un baiser sur son front ou sur ses cheveux blancs,
Un semblant d’accord de guitare
L’adresse d’un chat échaudé
Ou d’un chien tout crotté comme pourboire…

La Jeanne, la Jeanne
Dans ses roses et ses choux n’a pas trouvé d’enfant
Qu’on aime et qu’on défend contre les quatre vents
Et qu’on accroche à son corsage
Et qu’on arrose avec son lait…
D’autres qu’elle en seraient toutes chagrines…

Mais Jeanne, la Jeanne
Ne s’en soucie pas plus que de colin-tampon
Etre mère de trois poulpiquets, à quoi bon !
Quand elle est mère universelle
Quand tous les enfants de la terre
De la mer et du ciel sont à elle…

La complainte des filles de joie

Paroles de Georges Brassens, interprété par Renaud

Bien que ces vaches de bourgeois
Bien que ces vaches de bourgeois
Les appellent des filles de joie
Les appellent des filles de joie
C’est pas tous les jours qu’elles rigolent
Parole, parole
C’est pas tous les jours qu’elles rigolent.

Car même avec des pieds de grue
Car même avec des pieds de grue
Faire les cent pas le long des rues
Faire les cent pas le long des rues
C’est fatigant pour les guiboles
Parole, parole
C’est fatigant pour les guiboles

Non seulement elles ont des cors
Non seulement elles ont des cors
Des œils de perdrix mais encore
Des œils de perdrix mais encore
C’est fou ce qu’elles usent de groles
Parole, parole
C’est fou ce qu’elles usent de groles.

Y’a des clients, y’a des salauds
Y’a des clients, y’a des salauds
Qui se trempent jamais dans l’eau
Qui se trempent jamais dans l’eau
Faut pourtant qu’elles les cajolent
Parole, parole
Faut pourtant qu’elles les cajolent.

Qu’elles leur fassent la courte échelle
Qu’elles leur fassent la courte échelle
Pour monter au septième ciel
Pour monter au septième ciel
Les sous croyez pas qu’elles les volent
Parole, parole
Les sous croyez pas qu’elles les volent

Elles sont méprisées du public
Elles sont méprisées du public
Elles sont bousculées par les flics
Elles sont bousculées par les flics
Et menacées de la vérole
Parole, parole
Et menacées de la vérole

Bien qu’toute la vie elles fassent l’amour
Bien qu’toute la vie elles fassent l’amour
Qu’elles se marient vingt fois par jour
Qu’elles se marient vingt fois par jour
La noce est jamais pour leur fiole
Parole, parole
La noce est jamais pour leur fiole

Fils de pécore et de minus
Fils de pécore et de minus
Ris pas de la pauvre Vénus
Ris pas de la pauvre Vénus
La pauvre vieille casserole
Parole, parole
La pauvre vieille casserole

Il s’en fallait de peu mon cher
Il s’en fallait de peu mon cher
Que cette putain ne fût ta mère
Que cette putain ne fût ta mère
Cette putain dont tu rigoles
Parole, parole
Cette putain dont tu rigoles.

Les illusions perdues

(Texte de Georges Brassens, interprété par Renaud Séchan)

On creva ma première bulle de savon
Y’a plus de cinquante ans, depuis je me morfonds

On jeta mon Père Noël en bas du toit
Ca fait belle lurette et j’en reste pantois

Premier amour déçu. Jamais plus, officiel
Je ne suis remonté jusqu’au septième ciel

Le Bon Dieu déconnait, j’ai décroché Jésus
De sa croix n’avait plus rien à faire dessus

Les lendemains chantaient, Hourra l’Oural bravo !
Il m’a semblé soudain qu’ils chantaient un peu faux

J’ai couru pour quitter ce monde saugrenu
Me jeter dans le premier océan venu

Juste voguait par là, le bateau des copains
Je me suis accroché bien fort à ce grappin

Et par enchantement tout fut régénéré
L’espérance cessa d’être désespérée

Et par enchantement tout fut régénéré
L’espérance cessa d’être désespérée

Les oiseaux de passages
Paroles : Jean Richepin
Musique : Georges Brassens

 

Ô vie heureuse des bourgeois
Qu'avril bourgeonne
Ou que décembre gèle,
Ils sont fiers et contents

Ce pigeon est aimé,
Trois jours par sa pigeonne
Ça lui suffit il sait
Que l'amour n'a qu'un temps

Ce dindon a toujours
Béni sa destinée
Et quand vient le moment
De mourir il faut voir

Cette jeune oie en pleurs:
"C'est la que je suis née"
"Je meurs près de ma mère"
"Et je fais mon devoir"

Elle a fait son devoir
C'est a dire que Onques
Elle n'eut de souhait
Impossible elle n'eut

Aucun rêve de lune
Aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs
Sur un fleuve inconnu

Et tous sont ainsi faits
Vivre la même vie
Toujours pour ces gens là
Cela n'est point hideux

Ce canard n'a qu'un bec
Et n'eut jamais envie
Ou de n'en plus avoir
Ou bien d'en avoir deux

Ils n'ont aucun besoin
De baiser sur les lèvres
Et loin des songes vains
Loin des soucis cuisants

Possèdent pour tout coeur
Un viscère sans fièvre
Un coucou régulier
Et garanti dix ans

 

Ô les gens bien heureux
Tout à coup dans l'espace
Si haut qu'ils semblent aller
Lentement en grand vol

En forme de triangle
Arrivent planent, et passent
Où vont ils? ... qui sont-ils ?
Comme ils sont loin du sol

Regardez les passer, eux
Ce sont les sauvages
Ils vont où leur désir
Le veut par dessus monts

Et bois, et mers, et vents
Et loin des esclavages
L'air qu'ils boivent
Ferait éclater vos poumons

Regardez les avant
D'atteindre sa chimère
Plus d'un l'aile rompue
Et du sang plein les yeux

Mourra. Ces pauvres gens
Ont aussi femme et mère
Et savent les aimer
Aussi bien que vous, mieux

Pour choyer cette femme
Et nourrir cette mère
Ils pouvaient devenir
Volailles comme vous

Mais ils sont avant tout
Des fils de la chimère
Des assoiffés d'azur
Des poètes des fous

Regardez les vieux coqs
Jeune Oie édifiante
Rien de vous ne pourra
monter aussi haut qu'eux
{2x}
Et le peu qui viendra
d'eux à vous
C'est leur fiente
Les bourgeois sont troublés
De voir passer les gueux