La Ballade de Willy Bouillard

(Renaud Séchan)
 
C'est la nuit sur la banlieue
Willy ouvre enfin les yeux
Y s'était pieuté à l'aube
Peut-être un peut fracass'
Il se lève, se lave, se fringue
Son blouson et son flingue
Il a mal aux ch'veux, tant pis,
Le v'là parti
 
Ronde de nuit
Dans les ruelles noires
Drôle de vie
Pour Willy Brouillard
Le flicard
 
Baston au Voltigeur
Pas bon, j'irai t't'à l'heure
J'fais pas l'poids tout seul sans les potes
Pis j'ai pas mes menottes
Direction l'Intermarché
Hier soir ils l'ont pillé
Rien à signaler tout est calme
Y'a rien qui crame
 
Ronde de nuit
Au milieu des barbares
Drôle de vie
Pour Willy Brouillard
Le flicard
 
Quand il était p'tit y voulait faire
Gardien de square comme son grand-père
Voulait vivre entouré d'minots
Protéger les p'louses les moineaux
 
Ben y vit entouré d'béton
Au milieu d'une jungle à la con
Y protège l'Etat, les patrons
Ceux qui r'fourguent la came aux nistons 

Pourquoi il a choisi
La loi, pas les bandits ?
Pourquoi son vieux l'a déshérité
Quand il a signé ?
Il a jamais fait d'mal à une mouche
Même à une noire, une louche
Il a choisi entre deux galères
Celle où tu bouffes
 
Ronde de nuit
Sous les néons blafards
Drôle de vie
pour Willy Brouillard
Le flicard
 
On va quand même pas pleurer
Y'en a des plus paumés
Où t'as vu qu'j'allais faire une chanson
A la gloire d'un poulet ?
Ca s'rait vraiment l'monde à l'envers
Le fond de la misère
Est-c'qu'on peut mettre de la musique
Sur la vie d'un flic ?

A la Belle de Mai

(Renaud Séchan)
 
Quand il est arrivé
A la belle de Mai
Y connaissait dégun
Le parisien,
Qu'es aco ce fadòli
Avé ses yeux de gòbi ?
A dit tout le quartier
Qui l'espinchait
 
Y fait le fier ce pébronnasse !
Oh, Bonne Mère, qué counas !
L'est pas de la Marsiale
C'est un con à la voile
On va lui esquicher
Le bout du nez
 
Premier jour au bistrot
L'a payé l'apéro
A tous ces enfévés
Pas rancunier !
Y se sont empégués
Jusqu’à la nuit tombée
A la santé peuchère
De l’estranger
 
Y fait le fier parc'qu'il est riche
Oh, Bonne Mère, qué stoquefiche!
C'est un vrai rompe-figue
Dis, il est de Martigues ?
Qu'est-c'qu'on peut s'en séguer
De ses lovés !
 
Le lendemain le cacou
Se promenait partout
Avè sa fiancée
Comme un trophée
C'était un belle nine
Au long cou de galine
L'avait dû la furer
Au poulailler
 
Y fait le fier le parigot !
Oh, Bonne mère, qué cafalo !
Vé, elle a le cul presque
Comme la porte d'Aix !
Va caguer à Endoume,
Oh, fangoule !
 
Un jour, à des nistons
Qui jouaient au ballon
Il dit : "Oh, les minots !
Y'a du boulot !
Pour remporter le match
Faut se lever le maffre,
Et allez ! Bouleguez
Les bras-cassés ! "
 
Y fait le fier, fatche de con !
Mets-y peuchère un pastisson !
Et qu'il aille au Vieux Port
Faire ses estrambords
Peut même s'y néguer
L'estranger !
La caraque était née
Avé la crépine
Son équipe a brillé
A été digne !
Avé le cul, ma foi,
Un peu bordé d'anchois
L'a fait des Phocéens
Européens
 
Y fait le fier et y parade
La Cannebière elle le bade !
Mais il nous casse aussi
Un peu les alibòfi
Car si on a la Coupe,
Il l'a aussi !
 
Après cette aventure
L'est devenu madur
L'a voulu remplacer
Le député !
Il est bon, ce jobastre,
Pour le 54 !
Y va se retrouver
A Montfavet !
 
Y fait le fier et y voudrait
Oh, Bonne Mère, nous escaner !
Retourne à la capitale
Ou bien au pégal !
Ou au PSG
Chez les papés !
 
A la belle de Mai,
Aux Goudes et au Panier,
Il a salué dégun
Le Parisien
Quand il est remonté
Dedans son TGV
Avé sa fiancée
Et ses lovés !
 
Y fait le fier, ce pebronnasse !
Oh, Bonne Mère, c'est une estrasse !
Méfi ! Les trains s'arrêtent
Quelques fois aux Baumettes
Aprés un pénéquet
A l'Evêché !
 
Écoute ma quique belle,
Cette histoire c'est celle
D'un fada, d'une brêle,
D'une bordille
Qui savait pas qu'ici
On aime les bandits,
Qu'on donne l'amitié
Aux estrangers
 
Mais si y sont fiers comme le pape
Oh, Bonne Mère, allez, escape !
Fais du bien à Bertrand
Il te le rend en caguant !
Donne lui le ballon
De nos nistons,
Dès qu'il sera champion
Il voudra, ce pébron,
Remplacer le Gaston !
Ca pas question, fatche de con !!!

C'est quand qu'on va où ?

(Renaud Séchan)

Je m'suis chopé 500 lignes :
"Je n'dois pas parler en classe"
Ras l'bol de la discipline !
Y'en a marre c'est digoulasse !
C'est même pas moi qui parlais,
Moi j'répondais à Arthur
Qui m'demandait, en anglais,
Comment s'écrit No Future

Si on est punis pour ça
Alors je dis : "Halte à tout !"
Explique-moi, Papa,
C'est quand qu'on va où ?

C'est quand même un peu galère
D'aller chaque jour au chagrin
Quand t'as tell'ment d'gens sur Terre
Qui vont pointer chez "fous-rien"
'vec les d'voirs à la maison
J'fais ma s'maine de soixante heures,
Non seul'ment pour pas un rond
Mais en plus pour finir chômeur !

Veulent me gaver comme une oie
'vec des matières indigestes,
J'aurai oublié tout ça
Quand j'aurai appris tout l'reste,
Soulève un peu mon cartable,
L'est lourd comme un cheval mort,
Dix kilos d'indispensables
Théorèmes de Pythagore !

Si j'dois avaler tout ça
Alors je dis : "Halte à tout !"
Explique-moi, Papa,
C'est quand qu'on va où ?

L'essentiel à nous apprendre
C'est l'amour des livres qui fait
Qu'tu peux voyager d'ta chambre
Autour de l'humanité,
C'est l'amour de ton prochain,
Même si c'est un beau salaud,
La haine ça n'apporte rien,
Pi elle viendra bien assez tôt

Si on nous apprend pas ça
Alors je dis : "Halte à tout !"
Explique-moi, Papa,
C'est quand qu'on va où ?

Quand j's'rais grande j'veux être heureuse,
Savoir dessiner un peu,
Savoir m'servir d'une perceuse,
Savoir allumer un feu,
Jouer peut-être du violoncelle,
Avoir une belle écriture,
Pour écrire des mots rebelles
A faire tomber tous les murs !

Si l'école permet pas ça
Alors je dis : "Halte à tout !"
Explique-moi, Papa,
C'est quand qu'on va où ?

Tu dis que si les élections
Ca changeait vraiment la vie,
Y'a un bout d'temps, mon colon,
Qu'voter ça s'rait interdit !
Ben si l'école ça rendait
Les hommes libres et égaux,
L'gouvernement décid'rait
Qu'c'est pas bon pour les marmots !

Si tu penses un peu comme moi
Alors dit :"Halte à tout"
Et maint'nant, Papa,
C'est quand qu'on va où ?

Si tu penses un peu comme moi
Alors dit :"Halte à tout"
Et maint'nant, Papa,
C'est quand qu'on va où ?

Le sirop de la rue

(Renaud Séchan)

La boule à zéro
Et la morve au nez
On n'était pas beau
Mais on s'en foutait
Le mercurochrome
Sur nos genoux pointus
C'était nos diplômes
D'l'école de la rue
Le seul vrai enfer
Qu'on avait sur terre
Il était dans l'ciel
De nos pauvres marelles
On avait dix ans
Pi on ignorait
Qu'un jour on s'rait grands
Pis qu'on mourirait

L'eau des caniveaux
Nous f'sait des rivières
Où tous nos bateaux
Naviguaient pépère
Aujourd'hui les moineaux
Evitez d'tomber
Le nez dans l'ruisseau
La gueule sur l'pavé
A moins d'pas trop craindre
Les capotes usées
Et les vieilles seringues
Et les rats crevés

L'été sur les plages
C'tait l'débarquement
J'étais les GI's
T'étais les Allemands
Pistolet à flèches
Carabine en bois
Et ma canne à pêche
C'tait un bazooka
Dans les vieux blockhaus
On f'sait notre Q.G.
C'était bien craignoss'
Qu'est-c'que ça chlinguait
Les filles v'naient jamais
Parc'qu'elles craignaient qu'on
Veuille les tripoter
Elles avaient raison

Quand tu ramassais
Un gros coquillage
Eh ben t'entendais
La mer, l'vent du large
Aujourd'hui t'as qu'une
Symphonie d'4x4
Qui vont dans les dunes
Comme a Ouarzazate
Le son des tocards
Réchappés hélas
Du Paris-Dakar
Du rallye d'l'Atlas

On était inscrits
Pour tout l'mois d'juillet
A des cours de gym
Et au club Mickey
En c'temps là Disney
Faisait pas les poches
Ni les porte-monnaie
A des millions d'mioches
C'était l'Figaro
Qui organisait
L'concours de châteaux
De sable que j'gagnais
Aujourd'hui c'journal
Est l'ami des enfants
Au Front National
Et au Vatican

Quand t'allais t'baquer
Tu t'buvais peinard
Un tasse d'eau salée
Pas une marée noire
Creusant l'sable blond
Tu ram'nais des coques
Pas des champignons
Ni des gonocoques
Dans les bouteilles vides
Y'avait de messages
Pas des pesticides
D'un dernier naufrage

L'jour où j'mourirais
Puisque c'est écrit
Qu'après l'enfance c'est
Quasiment fini
Devant l'autr'charlot
J'espère arriver
La boule à zéro
Et la morve au nez
Du mercurochrome
Sur mes genoux pointus
Qu'y connaisse l'arôme
Du sirop d'la rue

Lui qu'a eu tant d'mômes
Et qui les a perdus

Devant les lavabos

(Renaud Séchan)
 
Elles s'en vont toujours par deux
Avant le dîner, discrètes,
Pour se recoiffer un peu,
Pour s'échanger en cachette
Quelques potins, quelques aveux
Quelle est la raison secrète
De cet exil mystérieux
Qui les retient au petit coin ?
 
Nos gonzesses
Devant les lavabos
Se repoudrent le bout du nez
Se font les lèvres cerise
Nos gonzesses
Sous les néons pas beaux
En dégrafant négligemment
Un bouton de leur chemise
 
Elles se retournent dans le miroir
Par-dessus leurs épaules
Pas très rassurées pour voir
Si par malheur ou par hasard
Leur joli cul n'aurait pas disparu
Puis innocentes mais la tête haute
Elles nous reviennent enfin
Parfumées comme pour un autre
 
Nos gonzesses
Devant les lavabos
Est-c'qu'elles parlent de moi, de nous ?
Est-c'qu'elles disent des gros mots?
Nos gonzesses
Sous les néons pas beaux
Font semblant de se laver les mains
Qu'elles ont blanches comme du bon pain
 
Un beau jour elles disparaissent
Sans laisser d'adresse
A peine un petit mot
Sur le miroir du lavabo
De leur rouge à lèvres souvent
Elles écrivent en lettres de sang
Simplement "Adieu salaud "
C'est vrai qu'il n'y a pas d'autres mots

Cheveu Blanc

(Renaud Séchan / Mourad Malki)
 
Il est arrivé un matin d'novembre
Comme le messager du temps qui fout l'camp
J'l'ai vu dans la glace au mur de ma chambre
Planté sur mon grand front intelligent
Tout seul au milieu d'une mèche brune
Arborant très fier ses reflets d'argent
Comme un fantôme sortant de la brume
Comme un arbre mort au jardin d'enfants
 
Putain d'cheveu blanc
Putain d'cheveu blanc
 
J'ai crié : "Au secours, viens vite mon amour
Viens l'voir ce salaud avant qu'j'l'arrache
Regarde le bien à la lumière du jour
Ca fait une balafre ça fait comme un tâche
Demain à coup sûr débarquent ses p'tits frères
Dans six mois peut-être on m'appelle Crin-Blanc
L'troisième âge arrive ça y'est c'est l'hiver
Moi qui croyait vivre l'éternel printemps "
 
Putain d'cheveu blanc
Putain d'cheveu blanc
 
J'ai beau m'répéter pour faire le brave
C'proverbe imbécile qui m'amuse plus
"La neige au grenier, le feu à la cave "
J'ai l'impression qu'un oiseau m'a chié d'ssus
J'ai l'impression qu'la mort étale en riant
Un manteau d'hermine sur ma pauvre tête
Ou que la faucheuse se fait les dents
Avant d'attaquer à la baïonnette
 
Putain d'cheveu blanc
Putain d'cheveu blanc
 
On a beau s'croire toujours adolescent
Pass'que nos gonzesses un peu miro
Pass'que les miroirs sont très indulgents
Et nos métastases toujours à zéro
Le jour où t'hérites des ch'veux d'tes parents
T'as du mal à croire qu'à partir d'maint'nant
Les filles vont craquer sur tes tempes argent
Surtout si déjà elles craquaient pas avant
 
Putain d'cheveu blanc
Putain d'cheveu blanc
 
Y'a quand même pas d'quoi s'flinguer tu sais bien
Qu'y'a des choses plus graves dans la vie
j'pourrais
Voter socialiste, r'garder TF1
Pi être abonné à VSD
J'pourrais croire en Dieu rouler en scooter
Pi j'pourrais avoir sous mes cheveux blancs
Un cerveau d'sportif t'imagines l'horreur
J'préfèr'rais m'les couper j'parle évidemment
 
De mes cheveux blancs
Mes putains d'cheveux blanc
Putain d'cheveu blanc
Putain d'cheveu blanc

Le petit chat est mort

(Renaud Séchan, Jean Louis Roques)

Va donc pas pleurer
Ys'baladait peinard
II avait pas d'collier
II était libre d'aller
Et d'rev'nir pour bouffer
Il était même pas prisonnier
De ton amour insensé

T'aurais quand même pas
Voulu qu'y vive comme un con
Sur le canapé
Loin des gouttières des pigeons
C' était un aventurier
T'aurais pas voulu qu'on l'attache
Y t'aurait miaulé: "Mort aux vaches !"

Le petit chat est mort
Il est tombé du toit
C'est comme ça
Il a glissé sur j'sais pas quoi
Et patatras
On l'enterra demain j'te jure
Dans un joli carton à chaussures

Le petit chat est mort
Et toi et moi on va
Couci-couça
A cause de quoi ? A cause que c' est
Chaque fois comme ça
Pourquoi c'est toujours les p'tits chats
Et jamais les hommes qui tombent des toits ?

C' était un vrai sac à puces
Encore plus libre qu'un chien
Pas l'genre pour un su-sucre
À te lécher la main
Mais la liberté tu vois
C'est pas sans danger c'est pour ça

Qu'elle court pas les rues et les toits

C'était un vrai Titi
La terreur des p'tits oiseaux
La nuit y s'faisait gris
Pour les croquer tout chauds
C'est un peu salaud
Mais t'as jamais mangé d'moineau

C'est pas plus dégueu qu'un MacDo

Le petit chat est mort
Il est tombé du toit
C'est comme ça
Il a glissé sur j'sais pas quoi
Et patatras
On ira d'main dans un jardin

L'enterrer aux pieds d'un arbre en bois

Le petit chat est mort
Et toi et moi on va
Couci-couça
À cause de quoi ? À cause qu'on s'demande bien pourquoi
T'as jamais un pape sur les toits
Être trop près du ciel p't'être qu'y z'aiment pas

Adios Zapata

(Renaud Séchan)

Des rues de Bogota
Aux trottoirs de Miami
Ca fait trop loin pour moi
Alors je reste ici
Pourquoi je quitterais
Mon pays si joli
Pour aller galérer
Aux Etats-Unis
Du travail j’en ai
Le pavot la coca
C’est pas Dieu qui les fait
Pousser, c’est mon Papa et moi

Adios Zapata ! Que viva Marijuana !
Pour eux la mort
Pour nous la Samba !

Finie la guérilla
On faisait pas le poids
La lutte armée ça va
Quand t’as pas d’autre choix
Avec les gringos
On a trouvé plus malin
On fait du négoce
La main dans la main
Les banques la CIA
Sont nos meilleurs clients
L’argent de la coca
Eh ! C’est toujours de l’argent

Adios Che Guevara ! Que viva Marijuana !
Pour eux la mort
Pour nous la Samba !

Ils ont tué leurs Indiens
Et pillé mon pays
Nous on se venge enfin
Sans prendre le maquis
On fait agriculteurs
Et l’Oncle Sam achète
Et qui c’est le dealer
Qui pourrit la planète ?
C’est mon Papa et moi
Ou bien c’est le yuppie
Qui blanchit, caramba !
Tout l’argent du trafic ?

Adios Pancho Villa ! Que viva Marijuana !
Pour eux la mort
Pour nous la Samba !

La vérité c’est que
Ces enfants de salauds
Ca les arrangent un peu
La came dans leurs ghettos
Ca tue surtout les pauvres
Les négrots, les bandits
Ca justifie les flics
Ca fait vendre des fusils
Mais un jour le quart monde
Dira aussi « Basta »
A la misère du monde
Et chant’ra avec moi

Viva Che Guevara ! Zapata ! Pancho Villa !
Pour eux la mort
Pour nous la Samba
 

Son bleu

(Renaud Séchan)

Il a refermé la porte douc’ment
Pour pas réveiller " Maman "
Il a j’té l’Huma
Sur l’canapé près du chat
S’est assis dans un coin
La tête dans ses mains

Cinquante balais c’est pas vieux
Qu’est-c’qu’y va faire de son bleu
De sa gamelle de sa gapette
C’est toute sa vie qu’était dans sa musette

Y r’voit toutes ses années au chagrin
Et tout l’cambouis sur ses mains
Y r’pense à son gars
Qui voulait faire péter tout ça
Ça a pété sans lui
Sans douleur et sans cris

Où c’est qu’t’as vu un bon Dieu
Qu’est-c’qu’y va faire de son bleu
De ses bras de travailleur
C’est toute sa vie qu’était dans sa sueur

Pourquoi y r’pense aujourd’hui au p’tit
V’la dix ans qu’il est parti
" Salut pauv’ cave
Tu s’ras toujours un esclave "
Eh ben tu vois gamin
Aujourd’hui j’suis plus rien

Pas fini d’se faire des ch’veux
Qu’est-c’qu’y va faire de son bleu
D’son drapeau rouge de son Lénine
C’est toute sa vie qu’était dans sa machine

Y va réveiller " Maman " peut-être
Lui dire : " Toujours pas de lettre
Il reviendra
Il pense à nous, t’en fais pas, là-bas
Dans la guérilla
Au Nicaragua`

Merde aux hommes
Et merde à Dieu
Il dit en raccrochant son bleu
Mon enfant a compris mieux que moi...
Le bonheur de faire péter tout ça"
 

Mon amoureux

(Renaud Séchan / François Ovide)

J't'en supplie mon Papou si j'ramène un d'ces quatre
Mon amoureux chez nous
Lui file pas un coup d'boule une mandalle un coup d'latte
Lui fais pas bouffer des clous
Fous pas l'feu à sa mob qui s'ra garée en bas
L'appelle pas "microbe" l'est plus grand qu'toi
Lui dis pas qu'il est moche et qu'il a les ch'veux gras
Lui fais pas les poches y fume pas

T'en fais pas Papa, mon amoureux tu l'aim'ras
Il écoute que Brassens et toi
C'est pas un premier de la classe
Il est 'achement plus beau
On dirait toi sur tes vielles photos

Tu craignais qu'j'te ramène un p'tit con-Chevignon
Il a qu'un gros pull en laine
Pas d'boucle d'oreille dans l'nez et même pas d'blouson
Il est plutôt normal comme dégaine
D'abord c'est obligé qu'tu craques pour mon Manouche
Il adore la pluie et le vent
Il aime René Fallet et y pêche à la mouche
Et en plus il est protestant

T'en fais pas Papa, mon amoureux tu l'aim'ras
Il a tatoué Guevara sur le bras
Question dope pas d'lézard
Il est accro qu'à moi
Y joue d'Ia guitare il aime les chats

Il est dernier en gym toujours prem' en rédac'
Y dessine on dirait Hugo Pratt
Dans deux ans y veut s'arracher au Niger
Bosser pour Médecins sans frontières
Te bile pas pour l'armée y veut faire insoumis
J'ui ai même dit qu'on l'planqu'rait
En virant toutes mes p'luches, mon Marsupilami
Y'a bien une p'tite place sous mon lit

T'en fais pas Papa, mon amoureux tu l'aim'ras
Y lit des livres qu'tu comprendrais pas
Du sport il en fait pas
N'empêche qu'en championnat
Il aime que Lens et Marseille comme toi

T'en fais pas Papa, mon amoureux tu l'aim'ras
Au bras d'fer l'est aussi nul que toi
T'en fais pas, tu l'aim'ras
Pendant au moins
Une semaine ou un mois comme moi

Lolito lolita

Où vas tu garçon ou fille
Lolito-Lolita
Où vas tu garçon ou fille
Dans ce monde là
Dans cette grande pyramide
Où les plus nombreux n'ont pas
D'autre choix que cette vie de
Misère et d'effroi

Les damnés sont tout en bas
Lolito-Lolita
Les damnés sont tout en bas
Deux humains sur trois
Sans abri sans pain sans joie
La pyramide les broie
Depuis dix mille ans je crois
Lolita

Puis vient le prolétariat
Lolito-Lolita
Des millions des petits bras
Une armée de forçats
Trahi par les syndicats
Méprisé par les bourgeois
Et qui marche toujours au pas
Lolita

Plus haut viennent les soldats
Lolito-Lolita
Plus haut viennent les soldats
Ils tireront sur toi
Pour protéger l'Etat
La propriété, la loi
Ils piétinneront tes droits
Lolita

Moins nombreux malgré leur poids
Lolito-Lolita
Viennent curés et prélats
Ils prieront pour toi
Ils te diront: " Ferme-là,
Travaille, consomme et tais toi,
Et le ciel t'appartiendras "
Lolita

Tout en haut il y a les rois
Lolito-Lolita
Tout en haut il y a les rois
Qui règnent sur toi
Ils ont décidé des lois
Qui font que tu resteras
Toujours tout en bas
Leur putains c'est les médias

Renverse la pyramide
Lolito-Lolita
Renverse la pyramide
Mets la tête en bas
Mais tu n'seras pas plus libre
Quand le peuple régneras
Y'aura toujours des Bastilles
A faire tomber, Lolita
Les hommes entre eux sont bien pires
Que les rats !!!

Chì l omi in trà di elli
Sò perghju chè i top

La médaille

(Renaud Séchan)
 

Un pigeon s'est posé
Sur l'épaule galonnée
Du Maréchal de France
Et il a décoré
La statue dressée
D'une gastrique offense
Maréchaux assassins
Sur vos bustes d'airain
Vos poitrines superbes
Vos médailles ne sont
Que fientes de pigeons
De la merde
 
Un enfant est venu
Aux pieds de la statue
Du Maréchal de France
Une envie naturelle
L'a fait pisser contre elle
Mais en toute innocence
Maréchaux assassins
Le môme mine de rien
A joliment vengé
Les enfants et les mères
Que dans vos sales guerres
Vous avez massacrés
 
Un clodo s'est couché
Une nuit juste aux pieds
Du Maréchal de France
Ivre mort au matin
Il a vomi son vin
Dans une gerbe immense
Maréchaux assassins
Vous ne méritez rien
De mieux pour vos méfaits
Que cet hommage immonde
Pour tout le sang du monde
Par vos sabres versé
 
Un couple d'amoureux
S'embrasse sous les yeux
Du Maréchal de France
Muet comme un vieux bonze
Il restera de bronze
Raide comme une lance
Maréchaux assassins
L'amour ne vous dit rien
A part bien sûr celui
De la Patrie hélas
Cette idée dégueulasse
Qu'à mon tour je conchie